«The grand Budapest Hotel », son dernier film au casting faramineux, sort mercredi. Le cinéma de Wes Anderson, réalisateur en pleine ascension, propose un imaginaire fantasque, une manière particulière, presque poétique, de filmer. Des éléments qui viennent s’affronter au réalisme des émotions humaines, lequel transpire dans les thématiques abordés par le cinéaste (liens familiaux, adulte en quête de reconnaissance…). Zoom sur l’univers décalé d’un prodige qui n’a pas fini de faire parler de lui.
Les reflets roux de sa crinière mi- nuque (plus proche du blond vénitien) rappelle le charme tout particulier du personnage de Fantastic Mr Fox, film d’animation(en stop-motion) à la poésie rare dont il est le créateur (inspiré du roman de Roald Dahl, un de ses livres de chevet quand il n’était encore qu’un bambin). Wes Anderson est diplômé en philosophie, mais ce qui l’a toujours animé, c’est sa passion vibrante pour le cinéma. Encore étudiant, il refuse de suivre un cursus chez Columbia et préfère prendre la voie de l’autodidacte, du ciné «indé». Coup de bol, son compagnon de chambrée n’est autre qu’Owen Wilson, acteur aujourd’hui réputé (Marley et moi, Minuit à Paris, Shangaï Kid…). Nous sommes en 1996, et Wes décide de tourner son premier long-métrage avec Owen et ses frères (Luc et Andrew Wilson) : «Bottle Rocket» où l’histoire de deux amis qui décident de monter un casse. Un premier film réussi où déjà, on sent poindre la patte atypique du jeune réalisateur.
Mais c’est avec« Rushmore» en 1998 que Wes Anderson s’installe définitivement comme un réalisateur hors-norme. Le récit de ce jeune étudiant curieux, au comportement anticonformiste, ni génie précoce, ni glandeur invétéré, fait mouche. L’impact visuel des plans de Wes n’est pas pour rien dans la réussite du film ( Le plan large sur l’acteur principal en train de faire un feu et un « fuck »devant son institution, le tout dans un paysage d’automne, laissent pantois le cinéphile). Ca y’est, Wes rentre dans la cour des grands. C’est également à cette époque qu’il rencontre celui qui deviendra son acteur fétiche : Bill Murray. Celui-ci a d’ailleurs un rôle dans le dernier film du cinéaste : « The grand Budapest Hotel », un film haut en couleurs peuplé de personnages exubérants et d’histoires extravagantes. Jamais casting n’avait été aussi pléthorique depuis la saga Ocean’s, excepté peut-être le prochain Clooney (« Monuments Men » prévu en mars). Quoi qu’il en soit, l’univers de Wes laisse rêveur, voici une ébauche de ce qui fait de l’Américain aux allures de dandy un cinéaste hors-pair.
As de la technique
Wes Anderson a un univers parallèle à l’univers Burtonien. Tous deux usent des mêmes procédés et références – l’animation, les histoires pour enfants de Roald Dahl – mais leurs objectifs sont distincts. Aussi brillants soient les films de Burton, ils n’ont pas de substance et visent uniquement l’effet. Les films de Wes Anderson ont plus de sens, l’ironie dont il fait preuve transcende tous ses films, dans la manière de filmer par exemple : plans de face ou d’en haut qui exhibent les personnages et les objets au spectateur comme si on avait affaire à des photos d’identité ou des papillons mis sous verre, miniatures et tableaux destinés à présenter l’histoire dans le style des livres d’enfants…. Adepte du slow-motion, le réalisateur sait jouer des effets pour interpeller les spectateurs sur la condition de ces personnages (voir vidéo qui suit d’un utilisateur Viméo qui a réalisé un montage des meilleurs scènes en slow-motion des films de Wes Anderson) .
Des personnages souvent très littéraires, enclins à la citation subtile, accompagnés par une bande son fracassante (car le réalisateur est de surcroît un mélomane), des plans à couper le souffle, des histoires qui s’accompagnent d’une morale (mais pas trop, car la morale est ennuyeuse quand elle moralise trop et rappelle la dialectique des films hollywoodiens), et une bonne dose d’humour, voilà la clé du succès des films de Wes Anderson.
Ses influences
Influencé, selon ses dires, par les réalisateurs français tels que François Truffaut et Louis Malle, Anderson revendique son goût pour la tragi-comédie et se bat pour l’explosion des conventions dans la mise en scène. Il parle également de son amour pour le film de Mike Nichols,« Le Lauréat » et le cite souvent comme référence dans sa manière d’appréhender les dialogues et le langage cinématographique. Dans un autre registre et pour ce qui est de l’esthétisme de son oeuvre, il fait ouvertement le lien avec les bandes dessinées de Schulz, Snoopy ! Ainsi, le cinéma de Wes Anderson se construit autour de plusieurs influences assumées et il estime que son travail doit beaucoup à tous ses artistes qu’il considère comme ses maîtres, ses professeurs et donc responsables de son éducation… Des parents en somme. Car la famille, pour Anderson, c’est primordial. Que ce soit dans Rushmore, où il réinvente la relation élève-professeur et la projette dans une dimension bien plus paternelle qu’éducative, dans« La famille Tenembaum» qui porte bien son titre (voir la scène d’introduction de la famille qui est culte),« La vie aquatique » où un « soi-disant fils » tente de retrouver un « peut-être père » ou« Le Darjeeling limited » où trois frères tentent de retrouver une mère disparue au fin fond de l’Inde, Wes Anderson n’a qu’une seule obsession… Dans son oeuvre comme dans son entourage.
Ses acteurs fétiches
Si ses scénarios tournent évidemment autour des notions de liens familiaux et tracent sans relâche le portrait d’un adulte en quête de reconnaissance parentale, il faut également préciser qu’Anderson s’entoure constamment des mêmes personnes, artistes et techniciens. Plusieurs acteurs reviennent de façon récurrente dans ses films ( Adrien Brody, Jason Schwartzman, Willem Dafoe, Edward Norton…) et plus particulièrement deux d’entre eux, avec qui il a développé une relation toute particulière. Avec Bill Murray tout d’abord (connu pour des films tels que Ghostbusters, Broken Flowers ou Lost in Translation), depuis leur rencontre sur le tournage de «Rushmore», les deux hommes entretiennent une admiration réciproque pour leur travail et ne se quittent plus. Murray s’est même dit prêt à payer pour tourner dans un film du réalisateur, c’est dire son engouement, car on a rarement vu un acteur cracher sur son cachet ! Le deuxième larron de Wes, c’est Owen, cela s’explique simplement. Compagnons de chambre pendant leurs études, Owen a suivi et encouragé la carrière de Wes (aide à la production, co-scénariste…) et vice-versa.
Pénétrer dans l’univers de Wes Anderson, c’est donc entrer dans une grande famille, s’imprégner de ses valeurs, de sa vision singulière, empreintes d’une poésie qui porte aujourd’hui le réalisateur jusqu’au sommet de son art.