Sans prétentions, l’araignée a mauvaise réputation. Elle souffre des clichés et de la méconnaissance à son sujet. Christine Rollard est arachnologue, auteure de l’ouvrage « Portraits d’araignées ». Elle lutte pour réhabiliter l’image de l’araignée au sein de notre société en mettant en avant des réalités biologiques et écologiques. Elle est tombée dans le monde de l’aranéologie en 1982 en réalisant sa thèse sur « les insectes qui mangent les araignées ». Entre son activité de chercheuse au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, d’enseignante et de biologiste, elle travaille également avec des personnes souffrant d’arachnophobie. Objectif : les réconcilier avec le petit animal. Ça tombe bien parce que moi aussi j’ai peur des araignées.
« L’araignée signe de bonne santé »
L’araignée est un maillon important de la chaine alimentaire. Chaque jour cette grosse mangeuse déguste 10 à 20% de son poids en proie. Elle est utilisée afin de réguler au sein des cultures les populations ravageuses telles que les pucerons. On l’entend souvent « une maison avec des araignées est saine ». Insecticide naturelle, l’araignée vous débarrasse d’une bonne partie des bébêtes comme les acariens, puces, frelons et moustiques. Elle recolonise rapidement des milieux perturbés par la pollution, la surexploitation du terrain…
L’araignée enfile également son costume de bio indicateur. Grâce à elle on peut en apprendre beaucoup sur un milieu, notamment le nombre d’insectes qui le compose. L’absence d’aranéides souligne la perturbation du terrain ou le manque de proie.
« Des bêtes pas si venimeuses »
Seulement une dizaine de victimes d’araignées par an pour une poignée d’espèces dangereuses. En France, même la veuve noire n’est pas si terrifiante. Les cas de décès sont en réalité dus à une infection de la plaie et non à l’action directe du venin.
Mais n’exagérons pas les araignées ne sont pas des animaux de compagnie ! Comme l’explique Christine Rollard, elles sont dépourvues de cerveau et aucun lien affectif ne peut se lier entre l’homme et cet animal. Les prélèvements intensifs de certaines espèces de mygale contribuent à leur raréfaction. Des mesures de contrôle du commerce ont été mises en place par des organismes de protection de la faune sauvage. Les propriétaires de mygale donnent une image faussée de cette prédatrice. La plupart des espèces ne font en réalité qu’un petit centimètre et il en existe une vingtaine en France.
« Une planète sans araignées ? Vers la catastrophe assurée »
Imaginons que le monde actuel soit dépourvu des huit pattes. Vision apocalyptique digne de récit biblique : invasion de mouches, puces, cafards, déferlement de maladies… L’absence de la tisseuse aurait un impact ravageur sur la biodiversité et sur l’homme. A Madagascar en 1896 des araignées produisant de grandes toiles ont été récupéré pour la culture de la soie. Le pays a alors connu un pic de paludisme car les insectes ne se faisaient plus attraper et pullulaient en masse transmettant la maladie.
Coup de bol, la France est l’un des pays européens avec le plus grand nombre d’espèces du fait de sa diversité des climats. La plupart des araignées sont minuscules et seul un œil aguerrit peut les distinguer. Christine Rollard a une petite préférence pour l’araignée sauteuse aux gros yeux et aux couleurs multicolores ou encore l’araignée crabe qui change de couleur tel un caméléon. Pour l’arachnologue si « on apprend à regarder les araignées d’une autre façon, on découvre un monde fantastique. Il ne faut pas forcément aimer les araignées mais juste accepter de vivre avec elles.»
Parmi les nombreuses espèces on peut trouver quelques curieux spécimens:
« L’araignée gladiateur »: Elle ne se contente pas de créer sa toile et d’attendre tranquillement que le repas s’y englue. Bien plus stratège et guerrière elle tisse une toile carré. Quand sa proie est assez proche elle lance son filet pour la capturer, comme un véritable rétiaire.
¨Une société pour les araignées¨. Vous n’auriez peut-être jamais imaginé que les araignées pouvaient créer une société ? Et pourtant, il y a une espèce, (Stegodyphus dumico) qui crée des colonies avec une structure sociale. Répartition des tâches et entraide face à un prédateur, elles sont peut-être même mieux organisées que nous!
Ce n’est pas encore fini pour les araignées insolites! Dans la nature on trouve aussi des aranéides vivant sous l’eau, (Argyroneta aquatica). Elles se trouvent surtout dans les rivières et les étangs d’Europe, elles restent presque toute leur vie sous l’eau. Comment font-elles pour respirer ? En fabriquant une bulle d’air avec leur toile: elles ne remontent qu’une fois par jour à la surface.
Il existe plusieurs espèces d’araignées en France, mais nous en connaissons seulement un petit nombre. Découvrir ces petits animaux peut nous aider à éloigner notre peur infondée.
A découvrir les incroyables portraits d’araignées de Jurgen Otto
Marie-Lorraine Atamaniuk & Ana Galan Campanario