Une étude publiée le 02 février par Current Biology cherche à comprendre les symptômes liés à la misophonie, ce trouble neurologique qui entraîne une réaction disproportionnée face à certains bruits du quotidien. Au coeur de cette étude ? Les liens entre les sons dits « déclencheurs » et une connexion anormale avec le cortex insulaire antérieur, responsable de la concentration et de la focalisation de l’attention.
Slurp, gloup, crunch… Partager un repas devient un véritable moment de supplices ? Vous ne supportez plus la mastication, le souffle d’une respiration, le cliquetis d’un stylo, les bruits de déglutition ? La bonne nouvelle : vous n’êtes pas seul. La mauvaise ? Vous souffrez probablement de misophonie.
Misoquoi ? La misophonie (de miso : la haine, phonie : le son) est le fait de détester certains sons répétés du quotidien au point d’en faire une fixette. Concrètement, il s’agit d’un trouble neuropsychiatrique. Une connexion anormale se construit entre le cortex insulaire antérieur, zone responsable du mécanisme de la concentration, et les émotions. Cette anomalie se caractérise par des réactions émotionnelles disproportionnées (haine, dégoût, envie de violences) par rapport à des situations qui peuvent s’avérer anodines pour la plupart d’entre nous. De la légère irritation à la véritable aversion, toutes les personnes touchées par ce trouble ne sont pas atteintes de la même façon.
focalisez votre attention
Emeline, atteinte de misophonie depuis 2 ans, partage son vécu sur misophonie.fr :
« Quand j’entends une personne manger, même trois pièces plus loin je la repère, une personne se gratter,une personne rire niaisement, une personne tousser cela me met or de moi j’ai envie de me lever et de la frapper, de l’étrangler… Cette sensation me fait peur elle est pire que de la haine. Le pire c’est quand je demande de s’arrêter et qu’ils ne le font pas… J’en ai marre, ses [sic] bruits sont partout… »
Récemment, l’université de Newcastle a étudié ce trouble à travers une expérience. Les chercheurs ont comparé l’activité du cerveau de misophones et de personnes « lambdas » face à différents types de sons. Face à des bruits plus neutres, tels que la pluie qui tombe ou un bébé qui pleure, la réaction des deux groupes de personnes reste la même. Mais lorsqu’il s’agit des sons dits « déclencheurs » (mastication ou respiration par exemple), leurs réactions ne se font pas attendre : le rythme cardiaque des misophones s’accélère, ils transpirent et leur cortex insulaire antérieur connaît un pic d’activité.
Un trouble incontrôlable
Le système d’attention est perturbé et se focalise sur ces petits bruits. Ces symptômes mentaux répondent à un mécanisme de survie, généralement provoqué lors d’une rencontre avec un prédateur. Le problème ? Cette réaction mentale s’accompagne le plus souvent d’un symptôme physique, comme une crispation, une agressivité ou une envie profonde de violence. Ce comportement, provoqué indépendamment de la volonté du misophone, peut avoir des conséquences sur la vie de tous les jours.
Certains s’isolent pour éviter l’épreuve du déjeuner entre collègues ; d’autres doivent aller plus loin, en se coupant complètement du monde. Marielle témoigne pour le site misophonie.fr :
« Je crois que je serais capable de tuer quelqu’un. Je suis incontrôlable hélas… En général, je pars mais lorsque je suis dans l’impossibilité de fuir je ne peux m’empêcher de faire des réflexions très déplacées. »
Connue sous ce nom depuis seulement une vingtaine d’années grâce aux travaux du docteur Jastreboff de l’université d’Emery d’Atlanta, la misophonie est parfois confondue, à tort, avec l’hystérie (troubles conscients mais incontrôlables du comportement), la phonophobie (crainte d’écouter due à une sensation auditive insupportable produite par les sons environnants) ou l’hyperacoustie (perception exacerbée des sons). Cette pathologie auditive, aussi appelée « sensibilité sélective à certains sons », apparaît le plus souvent vers la fin de l’enfance ou le début de l’adolescence et s’empire avec le temps.
Pour le moment, pas de traitement ni remède miracle. Seules deux solutions sont mises en avant : investir dans des boules quies et prendre son mal en patience !
Sources : Slate, Current Biology, Cerveau&Psycho.fr