Par qui, et pourquoi Christian Würtenberg, journaliste suisse, a-t-il été retrouvé étranglé dans un champ croate en janvier 1992 ? C’est ce qu’essaye de résoudre sa cousine Anja Kofmel dans Chris The Swiss, en salle depuis le 3 octobre.
Anja a 10 ans lorsqu’elle apprend la mort de son cousin Chris, reporter de guerre en Yougoslavie. Un détail surprenant va la hanter de nombreuses années : le corps est retrouvé vêtu de l’uniforme d’une milice croate. 20 ans après ce mystère non élucidé, la jeune femme part sur les traces de la dernière aventure de Chris, à la recherche de la vérité. Une enquête qui l’amènera aux frontières entre journalisme et armée de milice, dans une Croatie encore meurtrie par la guerre.
Passé et présent entremêlés
Dans ce film, la réalisatrice mêle à la fois l’animation, les images d’archives et les prises de vues réelles. Ce mélange est parfaitement maîtrisé car il permet au spectateur de comprendre, et surtout de s’imaginer à quoi ressemblaient les combats de cette époque. Au début du film, Anja réexplique la nature des conflits en Yougoslavie, entre serbes et croates : cette partie est nécessaire et apporte au spectateur toutes les clés pour comprendre l’histoire de Chris.
Contexte de Chris The Swiss
La guerre de Croatie, ou guerre d’indépendance croate, s’est déroulée entre le 17 août 1990 et le 12 novembre 1995, à l’issue de l’effondrement de la fédération yougoslave.
Elle a opposé la République de Croatie nouvellement indépendante à l’Armée populaire yougoslave (JNA) et à une partie des Serbes de Croatie.
Au fur et à mesure de l’enquête, des séquences d’Anja arrivée en Croatie s’entrecroisent aux photos et vidéos d’archive des lieux de massacres. On se rend compte que certaines habitations détruites n’ont pas bougé depuis ce temps, comme si la guerre datait d’hier. Les entretiens de la réalisatrice avec d’anciens proches de Chris sont même étonnants : on ne s’imagine pas qu’ils soient tous encore en vie, tant cette guerre paraît destructrice et lointaine pour eux. Avoir réuni leurs témoignages apporte au spectateur un vrai sentiment de proximité avec l’histoire, et la rend plus réaliste.
Le dessin au service du massacre
L’animation, toute en noir et blanc, apporte ici une vision à la fois très poétique et personnelle. Dès le début, Anja nous plonge dans le rêve qu’elle faisait petite. Mais plus qu’un apport esthétique, le dessin raconte ici tout le périple de Chris. De son arrivée à l’Hôtel intercontinental, jusqu’à ses missions dans la campagne croate, les séquences animées montrent l’horreur des événements vécus sur place. A chaque image « difficile » à regarder, le dessin suggère plus qu’il ne montre. Il permet d’en afficher plus sur la cruauté du conflit, sans pour autant choquer par son réalisme.
Un propos universel
Même si le récit du cousin d’Anja est très personnel, il rappelle de nombreux autres faits similaires. Chris n’est pas le premier ni le dernier à ne pas revenir de son voyage journalistique. Mais ce que la réalisatrice propose, c’est plus qu’une histoire de famille. Elle nous fait réfléchir sur les limites entre reporter et militaire, entre simple observation et véritable engagement. On dépeint souvent le journaliste comme un héros, ici le témoignage des proches de Chris, le qualifiant de fou, apporte une autre vision à ce débat.
Un film très bien documenté, alliant techniques et contenu, qui propose un regard sur le journalisme de guerre sans oublier de raconter une histoire.
Chriss The Swiss – Actuellement dans les salles, aux cinémas Palace et Klub de Metz.
Chris The Swiss d’Anja Kofmel
Genre : Drame, Documentaire, Animation
Nationalité : Allemand, Suisse, Finlandais, Croate
Distributeur : Urban Distribution
Date de sortie : 3 octobre 2018
Durée : 1h25mn
Festival : Festival de Cannes 2018
Claire-Marie Luttun