Les étudiants de l’enseignement supérieur suivent leurs cours à distance depuis le 28 octobre dernier et la mise en place du reconfinement. Pendant que certains sont bien accompagnés par leurs professeurs, d’autres se sentent abandonnés. Une chose est sûre : ils sont tous frustrés par la situation et rêvent d’un retour dans les amphis.
Ils devaient reprendre mi-février, soit quinze jours après la réouverture des bars et restaurants. Mais cette échéance a été repoussée et aucune nouvelle date n’a été communiquée. Les étudiants doivent donc attendre, encore et encore. Depuis maintenant presque trois mois, ils communiquent avec leurs professeurs seulement par mail ou visioconférence.
Une situation pesante pour Julie Colpin, étudiante en Master 1 Médiations culturelles à Paris : « On est laissé à l’abandon. On ne voit personne. On ne peut pas appeler la faculté car ils sont tous en télétravail. Les seuls échanges se font par mail, et encore… quand on a une réponse ». Elle dénonce un manque d’accompagnement de ses professeurs et de toute l’équipe pédagogique. Celle qui devait passer son année entre les sorties culturelles et l’université, a même pensé plusieurs fois à abandonner : « C’est très dur de garder la motivation. Heureusement, je suis de nature plutôt studieuse, c’est ce qui m’aide à tenir, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. »
« Une camarade a complétement arrêté le cursus »
L’abandon, parlons-en. Eloïse Renaud, étudiante en Master 1 MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) à Angers l’a vécu avec une de ses camarades : « Pour certains, c’est très compliqué. On le ressent. Ils ne sont que partiellement là et dans les travaux de groupes, ils sont absents. Une étudiante a même complétement arrêté le cursus ». Pourtant, la future professeur des écoles se sent bien accompagnée. Un enseignant principal à l’écoute, des délégués qui remontent les informations et un sondage effectué sur le ressenti des étudiants : tout a été mis en place pour que les élèves ne décrochent pas. Des solutions ont même été cherchées : « Nous avons négocié des pauses entre chaque visioconférence, réfléchit à des temps pour s’appeler entre nous et nous avons redemandé la reprise des cours en présentiel même partiellement ».
Concernant le retour du présentiel, pour tous les étudiants, c’est le flou total. « On reçoit pleins d’infos de partout, on ne sait pas sur quoi se fixer », explique Eloïse Renaud. Julie Colpin ne se fait, elle, plus d’illusion : « J’ai décidé d’arrêter de faire des conjectures sur la date de reprise des cours, sinon je vais encore tomber de 10 000 étages. Je préfère me dire que mon année est condamnée ».
Certains étudiants ont au contraire eu le droit de retourner partiellement à l’université, même si cela ne leur parait pas suffisant. C’est le cas de Rodolphe Gantzer, étudiant en L3 biologie à Strasbourg : « Les travaux pratiques sont indispensables. Lors du confinement, nous ne sommes allés que deux jours à la fac, c’est trop peu. J’ai peur que mon diplôme ne vaille plus rien à cause de ça. Qu’est ce qu’une entreprise va dire d’un étudiant qui n’a jamais pratiqué ? ». L’étudiant essaie de se rassurer en réalisant qu’il lui reste trois ans d’études pour rattraper le retard et mettre en pratique ses connaissances.
« Ce n’est pas ce que j’attendais de mon master »
La mise en pratique des connaissances, c’est aussi ce qu’attend Julie Bentchakal, étudiante en M1 Marketing vente dans le luxe à Reims. Pour elle, l’année restante ne sera pas suffisante : « L’été dernier mon stage a été annulé. J’en cherche actuellement un autre, mais si je ne trouve pas je vais le payer plus tard. J’ai de très bonnes connaissances mais aucune pratique : ce n’est pas ce que j’attendais de mon master ».
Les étudiants ont en effet peur d’être vu comme la génération Covid et d’avoir du mal à entrer sur le marché du travail. Julie Colpin se demande comment elle va pouvoir se créer des contacts sans se déplacer, sans rencontrer de nouvelles personnes ni même découvrir de nouveaux lieux. Le carnet d’adresses est indispensable dans le domaine culturel. « Les débouchés sont déjà étroits… Si on ajoute à cela la crise sanitaire, j’ai peur pour mon avenir. Je ne sais pas du tout où je vais », confie-t-elle.
Solidarité, entraide et motivation
Les difficultés sociales ne se ressentent pas que dans les relations professionnelles. « C’est compliqué d’arriver dans un nouveau cursus et d’apprendre à connaitre les personnes via un ordinateur », explique l’étudiante en art. Mais Julie Colpin relativise : « On est une promo solidaire, on est tous dans la même m… donc on doit se motiver mutuellement. On a besoin des uns des autres ». « On est assez soudés, on s’entraide même si ce n’est pas évident de se motiver. Heureusement nous avions eu le temps d’aller boire des verres et d’apprendre à se connaitre avant le confinement », souligne de son côté la Rémoise.
Eloïse Renaud et Rodolphe Gantzer connaissaient déjà la plupart de leurs camarades avant le confinement. « Les relations étaient déjà crées donc la crise sanitaire ne change pas grand-chose. Mais pour certaines matières, les groupes ont changés et là c’est compliqué de s’intégrer quand on ne connait personne. On peut vite se sentir seul », illustre l’étudiant en biologie. L’Université de Strasbourg a mis en place de nombreuses aides et cellules d’écoute à destination de ses étudiants. Initiative que Rodolphe Gantzer souligne : » On sait qu’en plus si on a besoin, on peut demander de l’aide ».
Mais est-ce que ces différentes aides sont suffisantes ? Un étudiant de l’Université de Lyon a tenté de mettre fin à ces jours ce week-end. Il s’est défenestré de sa résidence universitaire. Son pronostic vital est engagé. Les motifs de ce geste ne sont pas encore déterminés. Un professeur de l’université de Lyon a de suite réagi sur Twitter : « La fermeture des amphis fragilise ».
Margaux Plisson