Au plein cœur de la forêt domaniale de Compiègne les cors et les cris résonnent au rythme de la chasse à courre. A pied ou à cheval, les veneurs s’adonnent à une tradition peu évoluée de la loi de la nature. En ce début d’année, la situation va de mal en pis.
« La honte ! La forêt elle n’est pas à vous et la ville non plus ! », s’écrit une femme qui découvre un cerf essoufflé et boitant en plein Compiègne. Encerclé par les chasseurs et les chevaux, l’animal termine sa course de plusieurs heures, épuisé devant les caméras des passants. Celui-là peut s’estimer heureux. Il termine devant un lycée en plein mois de septembre, d’autres, moins chanceux, se font cruellement noyer dans les étangs ou poignarder dans les jardins privés des villages alentours.
La vénerie, art de la chasse à courre, c’est le plaisir coupable de 10 000 français. Des hommes, des femmes, des retraités, des étudiants, s’adonnent à cet héritage féodal qui prétend s’ouvrir de plus en plus à toutes les classes sociales (si l’on en croit les représentants pourtant tout de velours côtelé).
En forêt de Compiègne, c’est la même scène qui se joue plusieurs fois par an et ce depuis des années déjà. Entre septembre et mars, la vénerie bat son plein dans le poumon picard et envenime la colère des antis et des riverains.
Une colère justifiée. Depuis le début du mois de janvier, pas un week-end ne se déroule sans polémique. Cette pratique rétrograde de la chasse classique agace pour sa cruauté envers les animaux mais aussi envers les citoyens. Si le pays est l’un des derniers à autoriser cette tradition primitive, ses adhérents franchissent ses limites quitte à perturber la circulation et à s’introduire chez les habitants.
Le collectif AVA (Abolissons la vénerie aujourd’hui) a vu deux de ses militants blessés au cours du mois de janvier sans compter le flux d’insultes à répétition. Et quand les politiques s’en mêlent, même cadeau. Dimitri Houbron, député LREM a dû éviter quelques croche-pieds en accompagnant les anti-vénerie en pleine partie de chasse. Raphael Glucksmann, député européen en a également fait les frais, harcelé par des partisans qui s’accaparent le lieu public où les promeneurs tombent régulièrement nez à nez avec les meutes de beagles et d’anglo-français.
Derrière ces codes de noblesse et ces cérémonies, les pro chasse dissimulent un comportement déloyal et bestial au profit selon eux, du « cycle de la nature ».
Annabelle Rochet