A 26 ans, Hasni Alem est adjoint à la mairie de Besançon, ville de 115 000 habitants. Il est aussi secrétaire de la fédération Parti Communiste Français du Doubs. Un parcours politique déjà bien rempli pour cet étudiant né à Mazouna en Algérie. Portrait.

Vendredi 3 juillet 2020, 17h35 : Anne Vignot, écologiste à la tête d’une alliance politique de gauche est élue d’une très courte majorité maire de Besançon après une campagne éprouvante. Les 40 conseillers qui l’accompagnent sont écologistes, socialistes, de divers partis de gauche ou bien communistes. Parmi eux, Hasni Alem, étudiant en histoire. Alors âgé de 25 ans, il est le plus jeune adjoint de la mairie. Mais ce ne sont pas les premières responsabilités politiques du jeune homme, déjà secrétaire de la section bisontine du Parti Communiste Français (PCF).

Marié depuis peu, ses journées sont remplies par les réunions pour la mairie et son métier de professeur. Dans son rôle d’adjoint, Hasni Alem a la charge des quartiers populaires de Palente, Orchamps et Clairs-Soleils. Des endroits qu’il connaît bien. Aux Orchamps, il y a vécu pendant près de 20 ans, mais cet enfant de Besançon n’a pas toujours habité dans la capitale comtoise.

Ses parents se sont rencontrés en Algérie. Il naît en 1995 dans la petite ville de Mazouna, dans la région du Draha, à l’ouest d’Alger. « Ma mère a vécu toute sa vie en Algérie. Mon père, lui, avait construit une partie de sa vie en France. Il avait la nationalité française car il est né pendant l’Algérie française ». Alors qu’il n’a que six mois, ses parents décident de partir vivre en France. Jusqu’à ses trois ans, ils résident à Clermont-Ferrand. Vient ensuite l’arrivée à Besançon, dans le quartier des Orchamps. « C’est ici que j’ai mes premiers souvenirs et que j’ai passé toute ma jeunesse ».

Intérêt précoce pour le militantisme

S’il n’a pas vécu dans une famille très politisée, certains problèmes comme le racisme ou le mépris l’ont interpellé assez jeune. « Ma mère est femme de ménage. Ça m’arrivait d’aller l’aider quand elle était trop fatiguée. Je ne supportais pas le côté méprisant ou condescendant des personnes avec elle ». Adolescent, il est un jeune militant sans parti politique intéressé par les luttes sociales. Son ami du lycée Nicolas Monsçavoir se souvient de leurs débuts en politique, « Ça a pris quelques années, on a participé à des mouvements sociaux, rencontré des personnes dans des partis […] Moi j’avais plus de réserve à rentrer dans une organisation, lui est parti devant ».

Ses premiers pas dans un parti, il les a faits à la sortie du lycée en intégrant les jeunesses communistes de Besançon à l’âge de 19 ans. « J’avais un ami au lycée qui m’a fait rentrer là-dedans. Petit à petit je me suis impliqué, grâce aux formations ou aux discussions de groupe ». Il se fait rapidement remarquer sur la scène politique bisontine, notamment par ses futurs collègues à la mairie, « Je l’ai rencontré jeune militant politique il y a quelques années. C’est quelqu’un qui a pris un certain nombre de responsabilités. Très rapidement j’ai vu qu’il avait du potentiel ». décrit Christophe Lime, élu PCF au conseil municipal de Besançon.

 « Vouloir changer les choses »

Pour la première fois en 2020, il s’implique entièrement dans une campagne électorale. Lors de l’élection municipale de Besançon il soutient la future maire Anne Vignot. Ce nouvel objectif politique le pousse à s’impliquer plus encore, avec le soutien d’Asma, sa compagne, « Je savais que c’était sérieux et je me suis plus intéressée à ce qu’il faisait au point où un soir je suis même allée avec lui coller des affiches. […] Je me suis sentie concernée parce que l’enjeu était important pour lui ».

Une campagne électorale qui l’a amené à collaborer avec des militants d’autres partis. « On n’est pas dans le même groupe politique donc il y a nécessairement quelques tensions sur des problématiques. Mais je crois qu’on se retrouve sur l’essentiel : vouloir changer les choses », décrit Anthony Poulin, adjoint EELV à la maire de Besançon

Un premier mandat marqué par une implication sans faille pour les causes qui sont chères à Hasni Alem. « Être adjoint de quartier ça lui va bien. C’est quelqu’un qui est sur le terrain, qui est apprécié car il est à l’écoute » explique son collègue Christophe Lime. Un fort engagement qui peut parfois lui causer du tort, « Il veut trop s’engager. Pleins de sujets ou de causes le touchent vraiment et ça peut être une faiblesse », raconte Asma.

Des propos qu’il confirme, lorsqu’il partage ses frustrations de son début de mandat, « Il y a une sorte de déception. Pour le moindre changement, il faut suer sang et eau pendant six mois. […] C’est peut-être naïf mais j’aurais espéré qu’on puisse dès le début mettre en place les éléments permettant concrètement d’améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers populaires ». 

Mais ce début de mandat n’est pas que frustration et déception. Cette nouvelle expérience permet au jeune militant d’apprendre et de prendre confiance : « Au départ, j’avais peu confiance lors de mes prises de parole. Je préparais absolument tous mes textes. Maintenant c’est mieux ». Une évolution relevée par Christophe Lime : « C’est quelqu’un qui a progressé. Il a arrondi son discours sur la forme mais pas sur le fond ».

Le fond de son discours, Hasni Alem tient à le conserver : « Je ne pense pas avoir changé mon idéologie de base et la manière de faire de la politique depuis que j’ai des responsabilités à la mairie. L’idée c’est d’avoir un pied dans l’institution et un pied en dehors pour agir ».

Une carrière dans la politique ? 

Le terme d’homme politique, Hasni Alem ne l’apprécie guère. « Je ne me considère pas comme un professionnel de la politique. Je me considère comme un militant qui a un mandat ». Cependant, à 26 ans, il est logique de penser à de possibles futures responsabilités.  « Sans être faussement modeste ni présomptueux, je sais qu’il y a peut-être des possibilités dans l’avenir. La politique c’est extrêmement important mais je n’en fais pas l’alpha et l’oméga de mon futur. A côté de la politique je travaille, ma priorité ça reste ma vie privée et professionnelle ».

L’adjoint à la maire de Besançon peut en tout cas compter  sur sa famille politique et ses proches. Asma voit d’un bon œil l’expérience qu’engendre Hasni Alem durant son mandant : « Si à l’avenir il a une possibilité ou des envies d’évoluer, du moment que ça lui convient et que je sais que c’est utile pour la société il n’y a aucun problème il aura toujours mon soutien. Je sais que toutes les décisions qu’il prendra seront bien réfléchies en amont ».

Les cadres plus expérimentés du PCF de Besançon espèrent le voir encore progresser. Selon Christophe Lime, « il est en capacité au sein du parti de devenir un dirigeant au niveau national, en plus ça renouvellerait et mettrait de la jeunesse. Après, il faut le laisser monter tranquillement qu’il puisse progresser en fonction de ses envies ».


La prochaine échéance politique pour Hasni Alem est l’élection présidentielle, où il prendra part localement dans la campagne du candidat communiste, en collant des affiches et en distribuant des tracts. En attendant, cela fait plus d’un an qu’il occupe sa fonction d’adjoint au maire. Les compromis politiques à l’intérieur de l’alliance du conseil municipal et la crise sanitaire ont pu ralentir ses actions, mais il reste optimiste « maintenant j’ai les mains sur les leviers, il faut que mon mandat soit utile ».

Benjamin Cornuez et Emma Georges