Le colloque « Télévision, information et numérique. Pratiques et publics » se tenait à l’université de Lorraine les 29 et 30 septembre 2022. Jérémie Derhi, doctorant l’université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, est venu parler de sa thèse sur les chaînes d’information en continu, entre émergence de nouveaux usages et fragmentation des publics.
« Loin du « bla bla » de TF1 et France 2 », voici comment un jeune des quartiers populaires perçoit les chaînes d’information en continu. Jérémie Derhi est parti interroger 57 individus regardant régulièrement BFM TV et Cnews dans le cadre de sa thèse, intitulée « La réception de l’information politique des chaînes d’information en continu BFM TV et I>télé ». Ces chaînes permettent de s’approprier l’information différemment. Selon Mediamétrie, institut spécialisé dans la mesure des audiences, BFM TV est la première chaîne dans le domaine, avec 3,4% de part d’audience chez les Français de plus de 4 ans en juin 2022.
« Combler les temps morts »
Pour les non-actifs, ces chaînes structurent le temps de la journée et permettent de « garder la synchronie avec la sphère publique », explique le chercheur. C’est une « occupation subalterne », grâce à laquelle on peut combler les temps morts. Mais d’après Jérémie Derhi, pour les actifs, ces chaînes permettent surtout d’agencer leur temps consacré à l’actualité. « Ce qui est nouveau, c’est que quelque soit l’horaire de travail, on peut ajuster son rapport à l’information, souligne-t-il. Il y a toujours des opportunités pour s’informer dans des interstices de la vie, par exemple à 10 ou 11 heures ».
Des différences selon le milieu social
L’enquête de terrain de Jérémie Derhi a aussi mis en évidence des différences entre les classes sociales. Selon ses observations, les cadres consomment les chaînes d’information en continu pour deux raisons principales : elles sont faciles à comprendre après une journée de travail fatigante et elles permettent de se préserver pour pratiquer une autre activité, comme la lecture. Les personnes issues de classes favorisées s’intéressent aux agendas politiques sur ces chaînes. A l’inverse, les individus venant de milieux populaires se focalisent davantage sur « la dimension feuilletonnante des faits divers », rapporte Jérémie Derhi. Les usages sont ainsi différents selon la situation sociale et professionnelle.
« Il y a des gens qui ont un rapport un peu distant à l’actualité, et il y en a d’autres que ces chaînes d’information en continu accompagnent sans cesse », résume le doctorant. Cette réalité montre la fragmentation des publics, puisqu’il existe une diversité de contenus à la télévision pour une variété de profils.