Ancéenne, Ève Maurice est vigneronne et œnologue depuis une quinzaine d’années. Propriétaire du domaine familial des Béliers à Ancy-Dornot, elle partage avec passion son parcours de vie. Portrait.

Des couleurs d’automne, une vue improbable sur les vallées de la Moselle, des hectares de vignes ainsi qu’une forêt et ses cabanes suspendues entourent le domaine des Béliers. Ce coin de paradis appartient à Ève Maurice, vigneronne et œnologue depuis plus de quatorze ans.

En 2008, Ève Maurice, reprend le domaine familial d’Ancy-Dornot, au sud de Metz, après avoir effectué ses études dans le monde viticole. Plein de projets fleurissent dans sa tête. En premier plan, l’installation de son activité de façon pérenne. Dès lors s’enchaînent les hauts et les bas. La construction de la cave et de l’espace de dégustation sur le domaine est compromise. Les ambitions sont trop grandes. La vigneronne est tenace et ne se laisse pas abattre. Le travail se poursuit. Elle vinifie dans la cave de ses parents au centre du village à quelques minutes du domaine et des pentes très raides. Beaucoup de contraintes pour Ève mais elle s’adapte à la situation. « C’était très long et éprouvant », se rappelle-t-elle. Parallèlement, elle revoit ses ambitions. Du temps, il lui en faut. Dix années pour concrétiser son projet. Une cave, une maison, un espace de dégustation et des chambres d’hôtes voient enfin le jour. Ils font de ce domaine un espace de vie et de travail pour Ève et sa famille. L’exploitation agricole lancée, la première vendange a lieu, deux ans plus tard, en 2020. Une satisfaction pour la cultivatrice de voir sa cave sur place. Un luxe même pour celle qui veut être sur tous les terrains à tout moment.

Son métier, la vigneronne le vit avec passion. « A mille à l’heure », comme elle le souligne. Elle a plein d’idées en tête et court partout. La gestion du domaine, les réservations de cabanes, les enfants… Ève est très active. Une demi-journée de repos dans la semaine, pas plus. Parfois, elle craque. Généralement en fin de saison après la récolte. Quand elle peut, elle se ressource avec son mari et ses enfants. Loin de ce lieu qu’elle voit quotidiennement. Ils partent tous les quatre, dans un décor qui la canalise, la montagne. Histoire de se retrouver quelques instants. Difficile pour Ève de déconnecter, le moment est souvent de courte durée. Le temps passe, les enfants grandissent.

Les vignes du Domaine des Béliers que l’on peut retrouver à Ancy-Dornot.

Les coteaux de Moselle, tradition de la famille Maurice

Même si quelques fois elle n’arrive pas à tout gérer, la vigneronne peut compter sur le soutien inconditionnel de sa famille, dont ses parents. Ève partage son quotidien professionnel avec son frère et son père. « C’est rare de nos jours », note, dans son hangar, la mosellane. Sa mère aussi, est bien-sûr présente. Un appui permanent de celle qui lui a transmis les valeurs du partage et de la bienveillance.

Son père, Michel, ancéen lui-aussi, commence à planter des vignes dans les années 80 et donne une seconde vie au jardin ouvrier de la famille. Il vit sa passion durant son temps libre et la transmet à ses enfants, Alain et Ève. Contrairement à eux, ce n’est qu’un hobby. A la campagne, en pleine nature, dans le potager de ses grands-parents, c’est ici qu’Eve fait ses premiers pas. Un lieu où l’on peut se balader, admirer des arbres fruitiers… mais à l’époque, c’était surtout un terrain de jeux pour Ève et son frère. Petite, ce qui l’intéressait, c’était de jouer, trouver des cachettes, faire des cabanes… : « Durant les vendanges, on organisait des chasses à l’homme avec les copains », se souvient la vigneronne installée près d’un tonneau. Une vie d’enfant en fin de compte. A ce moment-là, Ève ne pensait pas encore qu’elle travaillerait les vignes tout au long de sa vie. Ce dont elle savait déjà, c’est qu’elle aimait passer du temps ici, avec ses proches.

Pourtant, elle ne s’imaginait pas travailler un jour dans les vignes. Ce n’était pas une évidence. Le déclic se produit lors de sa jeunesse durant la recherche d’un CAP viticulture pour son frère. Hasard des rencontres ou destin ? Ève Maurice se lance alors dans le commerce du vin et des spiritueux : « J’aurais pu faire le tour du monde mais je souhaitais vendre mes propres productions ». Un vin qui serait à son image et au fort caractère. 

L’exploitation agricole familiale deviendra son activité principale : « Les racines familiales ont été fortes et m’ont fait revenir ici », assure Ève en contemplant un de ses cépages. Agrandissement de la surface plantée, des terres… Maraichages et accueil touristique rythment le quotidien de la vigneronne qui veut profiter des lieux. Elle se sent bien. A la maison. « J’aime les choses simples », ajoute celle qui est aussi œnologue. Ève reçoit sa famille, échange avec ses amis et partage ses connaissances avec le public. Des souvenirs se créent. Elle est dans son environnement, ancrée sur son territoire. La vigne lui apporte, dans ce cadre magnifique, la ressource dont elle a besoin. Même si elle a des envies d’ailleurs, elle sait qu’elle passera toute sa vie ici.

L’une des cabanes dans les arbres qui surplombent le vignoble.