À l’occasion des assises du journalisme de Tours, Mia Moussac-Bouthier joueuse des élites 2 du Stade Rochelais revient sur la différence de traitement entre les hommes et les femmes dans le monde du rugby.
Le sourire aux lèvres, mais le regard déterminé, Mia Moussac-Bouthier, joueuse des élites 2 du Stade Rochelais se replonge dans de vieux souvenirs, sa rencontre avec le rugby. « C’était incroyable. La convivialité du sport, c’est ça qui m’a marqué. Qu’on ne me connaisse pas et qu’on m’accueil comme si j’étais des leurs ».
Entre séances de musculations, analyses vidéo et entraînements collectifs, la joueuse du Stade Rochelais n’est pas considérée de la même manière que ses homologues masculins. Mia Moussac-Bouthier dénonce un « grand manque de considération par le personnel. On salue les espoirs, mais pas les féminines ». Elle se souvient d’un exemple concret : « il y a deux ou trois ans, au Stade Rochelais, on est passé d’un sponsor partenaire Hungaria à Adidas. Donc Adidas nous fournit maintenant sur les équipements. Sur la vidéo de présentation des sponsors, sur Instagram, on voit des nouveaux maillots, des équipements des écoles de rugby des tout petits U6 jusqu’aux pros. Sur ces images-là, on a aucune image des filles », raconte celle qui a débuté le rugby au collège, poussée par un professeur qui l’a invitée à un entraînement UNSS.
« Je voudrais être plus considérée dans mon sport »
Aujourd’hui, Mia Moussac-Bouthier, joueuse de haut niveau, alterne entre ses études de psychologie à Tours et ses entraînements de rugby à La Rochelle. Une double casquette étudiante-joueuse rendue possible grâce à un aménagement particulier. « Je suis en dernière année de licence, alors normalement, je devrais être en master déjà, mais grâce à mon statut de sportive de haut niveau, j’ai pu demander des aménagements. Et la fac a été hyper conciliante sur ça. Je veux un master parce que je sais que ma licence ne va pas suffire, et même, j’ai envie de continuer mes études et pour optimiser mes chances d’obtenir un master, j’ai besoin d’allégement sur mon programme. Donc ils m’ont permis de faire ma L3 sur deux ans ».
De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités ou dans le cas de Mia Moussac-Bouthier, être joueuse d’élite en plus de ses études implique de grands compromis. Si pour beaucoup, elle porte les numéros 12 ou 13 sur le terrain, pour d’autres elle prend des notes, assise dans son amphithéâtre. Le tout dans la même semaine. « Ma semaine type se présente sous deux parties. Une partie début de semaine, souvent lundi après-midi, mardi et mercredi matin que je vais consacrer plus à mes études et ensuite du mercredi soir au dimanche soir, parce que quelquefois, on rentre tard de déplacement, c’est consacré au rugby ».
« Je voudrais être plus considérée dans mon sport. On s’entraîne à charge égale que les garçons. » Pourtant, si les joueurs masculins sont considérés comme professionnels dès qu’ils quittent les espoirs, les joueuses restent, elles, amateures tant qu’elles ne sont pas en équipe de France.
« Je ne pense pas être la génération qui accédera à ces droits. Je l’espère pour celles à venir » sourit-elle. Ce manque de considération se ressent dans l’investissement du club dans ses joueuses. Quand bien-même ces dernières ne possèdent pas d’équipement hivernal, il leur est fait la demande d’apparaître sur le terrain dans les maillots du club. Regroupées sous l’association les Poc’ettes, nom donné aux joueuses de l’équipe féminine rochelaise, elles font en sorte de trouver un sponsor pour acheter du matériel. Un sponsor, France Pare-Brise, accepte de leur donner un chèque de 10 000 euros pour financer l’achat de doudounes aux joueuses. Seul bémol, il manque 3 000 euros pour pouvoir floquer le logo du sponsor sur le vêtement. Le Stade Rochelais refuse d’investir et demande à ses joueuses de refuser le sponsor. Ce dernier finira par offrir les doudounes à l’équipe.
Une responsabilité médiatique
Ce manque de considération pour les joueuses de rugby ne dépend pas uniquement du Stade Rochelais ou de ses supporters. La joueuse d’élite 2 est formelle. Les médias ont leur rôle à jouer. « Honnêtement, on manque de médiatisation. On [lors des assises du journalisme de Tours, ndrl] nous disait que pour faire des unes, il faut avoir des titres, mais avant ça, il faut nous encourager à être soutenues par les médias. Donc ça commence aussi par l’avant-titre et pas après-titre ». La place des sportives dans les médias est de plus en plus débattue, dépassant les frontières du rugby. Mia Moussac-Bouthier voit un espoir. « On ne voyait pas autant de filles, en tout cas à ma génération donc c’est dommage. Mais ça s’améliore quand même. »
Rochelaises, allez, allez
Depuis deux ans, les Poc’ettes se battent pour la place de championnes de France. Le 21 mai 2023, après avoir gagné le titre de champions d’Europe, les joueurs du Stade rochelais défilaient sur le port de La Rochelle, sous les acclamations d’une foule en délire. Les joueuses, auraient-elles le même accueil si elles rentraient la coupe de France à la main ? « « Jamais de la vie ! » S’exclame Mia Moussac-Bouthier. Tout sourire elle reprend : « Nous, on s’est même dit que si on était championnes de France, vu que ça fait deux ans qu’on le tente le titre, qu’on ferait juste le tour de la plaine des jeux Colette Besson [le centre d’entraînement du Stade Rochelais ndrl], et puis on serait seules avec peut-être nos familles pour le célébrer, mais rien de plus ». On souhaite aux Poc’ettes un accueil digne de ce nom si elles rentrent la coupe de France à la main.