L’or blanc de Folschviller (1/2) D’après des recherches menées en 2022 par des chercheurs du laboratoire GéoRessources de l’université de Lorraine, le sol de Folschviller abriterait le plus grand gisement au monde d’hydrogène blanc. Depuis, les nouvelles sur cette découverte se font rares.

Décembre 2024, un temps grisâtre et humide recouvre la commune de Folschviller, située en Moselle-Est. Pas l’ombre d’un chat dans les rues désertes, où se côtoient de vieux immeubles et des maisons en briques rouges. L’ancienne cité minière reste silencieuse. Seul le bruit des fines gouttes sur les arbres se fait entendre. Dans cette atmosphère triste et pesante, une petite dame rentre des courses tenant son sac Cora. « Bien sûr que je connais les mines, mon père était mineur, tout comme mon frère et mon beau-frère » répond-elle quand on lui parle du passé minier du territoire. La dernière mine de charbon à Folschviller a fermé en 1979. Depuis, les anciens logements de mineurs ont été réappropriés par de nouveaux habitants. Concernant un certain « gisement d’hydrogène » situé près des habitations, la folschvilleroise affirme connaitre l’existence de ce projet, sans préciser davantage.

Au détour d’une ruelle, un bâtiment niché en haut de la colline attire l’attention. Il s’agit d’une tour d’extraction, dernier vestige de l’époque de l’exploitation minière des XIXe et XXe siècles. La commune mosellane a conservé cette relique en forme de marteau, mais a aussi gardé des séquelles dans ses sous-sols. Pour des raisons de rendement géologique, les puits furent installés en hauteur à proximité du château de Fürst. De cette période d’expansion économique et démographique, il ne reste que cette infrastructure et un bâtiment accolé, de la même couleur rouille.

A l’écart de l’ancienne ville industrielle se trouve le stade du Football Club de Folschviller. Proche de la structure sportive, un sentier boueux longe le terrain, menant vers des champs verdoyants. A mi-chemin, un panneau niché en haut d’un poteau indique un site de la « Française de l’énergie » sous vidéo surveillance. Au bout de ce chemin accidenté, se trouve une petite clairière avec trois cabanons blancs et bleus. C’est sur ce banal terrain que des scientifiques ont trouvé de l’hydrogène blanc en 2022.

La tour marteau de Folschviller, héritage des mines de charbon

Au commencement, un plan national d’investissement

Afin de comprendre l’engouement que suscite le projet d’hydrogène blanc à Folschviller, il faut remonter quatre ans en arrière.

« L’un des paris que toutes les grandes nations font, c’est celui de l’hydrogène » lançait Emmanuel Macron dans son discours du 16 novembre 2021 à Béziers. Devant les salariés de Genvia, le président français détaillait son « Plan 2030 ». Un investissement colossal de 2 milliards d’euros d’ici l’horizon 2030, qui permettra d’accélérer « la transition écologique » et « la stratégie pour l’hydrogène décarboné » déjà dotée de 7 milliards d’euros. Un plan hydrogène qui propose des subventions pour la recherche et développement, accordé en priorité à des consortiums rassemblant des laboratoires qui travaillent avec des entreprises. Le but est de chercher, évaluer et déterminer la faisabilité des gisements d’hydrogène.

En 2021, le secteur de l’industrie minière et gazière accueillait alors avec joie ce plan de financement. « Je salue cette vision d’un nouveau modèle de croissance pour la France […] dans lequel l’hydrogène décarboné est clairement identifié comme un élément clé permettant d’atteindre ces objectifs » répondait Philippe Boucly, le président de France Hydrogène. Rapidement, de nombreuses entreprises françaises se sont lancées dans cette course à l’hydrogène décarboné. Ce fut le cas notamment en Moselle, dont la découverte relève du hasard.

C’est l’histoire d’une découverte

Fin de l’année 2022, le laboratoire GéoRessources de l’Université de Lorraine, emmené par Philippe de Donato et Jacques Pironon, effectuait des fouilles dans le sous-sol lorrain à Folschviller dans le cadre du projet « REGALOR ». Cette exploration consistait à « évaluer l’état du méthane dans le sous-sol lorrain afin d’en estimer la ressource et de voir si une production locale de ce gaz était envisageable » décrivait les deux chercheurs en 2023.

L’ancienne cité ouvrière des mineurs de Folschviller

Au cours du forage, les deux scientifiques ont découvert accidentellement un taux assez élevé d’hydrogène blanc[1]. Une proportion qui augmentait à mesure que la sonde progressait dans le sol, atteignant une concentration de 20% à 1250 mètres de profondeur. Selon les estimations de ces spécialistes, « la teneur en hydrogène pourrait dépasser 90 % à 3000 mètres de profondeur ». Des chiffres abstraits, mais qui dévoilent une chose : un gisement qui pourrait contenir jusqu’à 46 millions de tonnes d’hydrogène blanc. La plus vaste concentration jamais révélée. Bien plus importante que l’unique gisement qui se trouve au Mali, à 300 mètres sous terre.

Très vite, la découverte a suscité l’intérêt des médias locaux, puis nationaux et internationaux. La nouvelle a ainsi bénéficié d’un emballement médiatique considérable. Les deux chercheurs sont conviés sur des plateaux de télé, livrant l’avancée de leur exploration dans la presse durant plusieurs mois.

« A l’époque on disait que c’était l’Eldorado »

L’hydrogène blanc est considéré comme une énergie d’avenir, dont le plus important gisement se trouverait sur le territoire lorrain. Une aubaine pour les locaux. A Folschviller, cela rappelle un souvenir. Celui de l’âge d’or de la région, du temps des mines de charbon.

Les élus le savent, les potentiels économiques à la clef sont énormes. En effet, les collectivités peuvent toucher un certain pourcentage sur le kilo d’hydrogène extrait. « Il faut résonner à l’échelle d’un territoire, il y a des retombées économiques, de l’argent pour faire des infrastructures, pour payer aujourd’hui plein de choses comme des routes, des bâtiments, etc. » explique Didier Zimny, maire de Folschviller. L’élu compare cette situation à celle qu’a connu Bure avec son site d’enfouissement des déchets nucléaires. « Ils ont pu construire des écoles, avoir des compensations. A l’époque on disait que c’était l’Eldorado » aime-t-il le rappeler.

Une telle richesse amènerait alors des industries, des entreprises et donc des emplois à la clef. Ce dont la ville a cruellement besoin. Comme la plupart de anciennes cités minières, Folschviller a subi la fin de l’exploitation du charbon, entrainant une diminution de sa population d’année en année. Du point de vue de l’élu, cette découverte, bien que reposant sur des estimations, donne de l’espoir. « Le sous-sol mosellan est très riche en ressources, il y a de l’eau, du charbon, du gaz. C’est un potentiel d’être sur une terre minière, on l’a vu avec l’impact du charbon. »

Pourtant, depuis 2023, c’est silence radio. L’histoire aurait pu s’arrêter là, en attendant d’hypothétiques premiers forages d’ici 2030. Mais des interrogations restaient en suspens. Pourquoi cet engouement médiatique s’est éteint subitement ? A croire que l’hydrogène blanc s’est bel et bien évaporé.


[1] L’hydrogène est un gaz inodore, incolore et non toxique. Qu’il soit carburant pour une pile à combustible, une turbine à gaz, un moteur à explosion il ne rejette que de l’eau et un peu d’oxyde d’azote. Il est extrêmement inflammable et explosif. Dissipé dans l’atmosphère, il est onze fois plus néfaste pour le climat que le C02. S’il est fabriqué il serait renouvelable.