Elle entre dans le salon, s’assoit sur le canapé et accepte de livrer une partie de sa vie et de son intimité. En tant que jeune maman de 27 ans, elle canalise une énergie débordante du haut de son mètre cinquante cinq. Quand elle choisit d’avoir un enfant à 22 ans, elle est en CAP et travaille dans un restaurant de Metz, avec un CDI prévu à la fin de ses études. Son patron « n’encaisse pas sa grossesse ». Il ne la ménage pas.
Poussée à bout, elle est mise en arrêt maladie pour la fin de sa grossesse. Pendant cette période, elle vit avec 250 € par mois, versés par la sécurité sociale. Impossible de payer toutes les factures, commence alors l’endettement. « Je voulais profiter de ma grossesse sereinement, je ne voulais pas vivre dans la peur alors je n’ouvrais plus ma boîte aux lettres ». Après l’accouchement, elle demande l’Allocation Parent Isolé (API) et découvre qu’elle y avait droit depuis son troisième mois de grossesse. L’assistante sociale l’avait mal renseignée.
Le serpent se mord la queue
Théo est né et pendant un an elle vit sous le couperet d’un avis d’expulsion du tribunal. Un dossier de sur endettement est accepté. La jeune femme sollicite un logement social « Trois ans après j’attends toujours ». Pour reprendre le travail elle doit obtenir une place en crèche pour son fils. Réunion collective, entretien individuel. « Mais mademoiselle, pour mettre son enfant en crèche, il faut travailler! ».
Toujours le même problème à l’embauche :
« T’as un enfant Laurène, il sera forcément malade à un moment, on peut compter sur toi?
J’me suis arrangée »
Une semaine plus tard, elle trouve un emploi.
Pour garder sa crédibilité, elle doit accepter des horaires incompatibles avec le rythme de son enfant. « Changer de boulot j’y ai pensé mais j’ai toujours fait que ça et puis j’ai pas d’autre formation ». CDD, extras, les jobs s’enchaînent. Laurène « rentre de l’argent ». A 60 heures par semaine, les moments de jeu avec Théo sont rares et précieux. Elle décide de quitter son travail pour être plus présente auprès de son fils.
Aujourd’hui elle sert 35 heures par semaine dans un restaurant. Elle touche des aides de l’État : Allocation familiales, Aide au logement, PAJE. Pourtant tout les mois, une fois les factures déduites, il ne lui reste que 120 € pour subvenir à leurs besoins. Son dossier de sur endettement arrive à terme et les relances tombent. Un matin, l’électricité est coupée suite à un impayé. « Tu lui dis quoi à ton fils dans ces cas là? On n’a plus d’ampoules et maman ira en acheter demain matin? ». Laurène se démène pour régler le problème dans la journée, avant que son fils ne puisse s’en apercevoir.
La débrouille au quotidien
Les activités sont rares et se prévoient un mois à l’avance. Laurène passe en priorité les petits plaisirs de Théo. Heureusement, elle peut compter sur sa soeur pour récupérer des vêtements pour son fils. Elle-même est mère d’un enfant à peine plus âgé que Théo.
Pour le permis même topo, « Il arrive un moment où soit tu passes le permis, soit tu nourris ton gamin ».
La jeune femme n’oublie pas la part de rêve dont son fils a besoin. « Noël c’est précieux. J’ai déjà dû faire l’impasse sur une facture pour préserver ça ».
La jeune maman se dit quelque fois complexée face à des personnes de son âge mais arrive à passer outre les réflexions malveillantes. « A 27 ans t’as pas le permis et les gens rigolent … mais j’ai pas eu papa et maman derrière, quand je réussis je ne peux être fière que de moi ». L’avenir, elle y croit, elle a des projets « Je reprendrais bien les études, j’ai besoin de prouver que je peux avoir le bac. J’ai failli le faire l’an dernier mais on m’en a dissuadé ». Sur son téléphone portable, Laurène montre avec un sourire rayonnant des photos de Théo. Son avenir, il passe avant tout par lui…