« A cause de l’inflation, 42% des français ont dû supprimer certains repas en avril 2023 », relève l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP) dans une étude réalisée pour l’organisation de lutte contre l’insécurité alimentaire, « la tablée des Chefs ». Ce constat va de pair avec la hausse du nombre de personnes éligibles aux aides alimentaires. Face à cet emballement de la précarité, certaines associations ont partagé leurs craintes de ne pas réussir à tenir la cadence. Mais qu’en est-il dans la région messine ?
« Si rien n’est fait, on a un risque de fermeture d’ici à trois ans ». Avec ces mots coup de poing livrés au journal de TF1 le 3 septembre dernier, le Président des Restos du Cœur, Patrice Douret, tirait la sonnette d’alarme vis-à-vis de la situation des organisations d’aide alimentaire. Il lève le voile sur une conjoncture toujours plus préoccupante où ces organisations se heurtent à une augmentation accrue des besoins, et doivent redoubler d’efforts pour y remédier. Décryptage de la situation avec les antennes messines du Secours Populaire, de la Croix-Rouge, et des Restos du Cœur de Woippy.
« Les dernières collectes alimentaires et financières ont été moins bonnes »
Les acteurs locaux décrivent un tableau complexe à plusieurs niveaux. « L’inflation est pour tout le monde, y compris sur les loyers et les charges. Elle pousse le nombre de bénéficiaires à la hausse et contraint les donateurs à revoir leurs dons. Les inscriptions ont augmenté de 20% en comparaison à 2022. On manque de denrées alimentaires. Maintenant il faut acheter alors qu’avant ce n’était pas le cas. », confie Céline Mériot, directrice du Secours Populaire de Moselle. « On a de moins en moins de produits, les dernières collectes financières et alimentaires ont été moins bonnes. C’est le cas ici, mais je pense que toutes les régions sont impactées », ajoute Hervé Kaiser, responsable de l’épicerie sociale de la Croix-Rouge messine, qui rejoint l’avis de Céline Mériot. « A un moment, on pensait solliciter les collectivités territoriales mais elles sont autant débordées que nous », déplore-t-il.
Même constat chez les Restos du Cœur. En Moselle, les inscriptions pour la campagne d’été 2023 de l’antenne de Woippy sont déjà 12% supérieures à celles de l’année précédente bien qu’elle ne s’achève que dans deux mois.
Continuer à partager ou restreindre les accès ? Un dure équilibre à trouver
Face aux difficultés, le Secours Populaire souhaite poursuivre le partage des denrées alimentaires avec tous les bénéficiaires, même si ce choix implique la réduction de la quantité distribuée.
A la Croix-Rouge, la distribution est limitée en fonction des articles disponibles et de la composition du foyer. Un règlement qui correspond à environ 10% du prix « classique » est demandé pour chaque panier. « On estime que cela permet de responsabiliser les bénéficiaires dans leurs achats. En revanche, on met un point d’honneur à ce qu’ils puissent choisir les produits qu’ils souhaitent ou non consommer », avance Hervé Kaiser. Les visites à l’épicerie se font sur rendez-vous. Chaque personne est accompagnée dans ses achats par un.e bénévole qui profite également du moment pour sensibiliser à la conservation des aliments lorsque cela est nécessaire.
Les Restos du Cœur ont quant à eux décidé de restreindre l’accessibilité aux repas pour la campagne de cet hiver. « C’est une décision difficile à prendre, mais les aides non alimentaires ainsi que le bus des Restos, qui se déplacera dans la ville cet hiver, resteront accessible à tous », réagit Thierry Jossic, vice-président des Restos de Moselle Ouest.
La municipalité ou des groupes privés, eux, mettent des locaux à la disposition des associations, des aides essentielles à leur fonctionnement.
Les mots forts de Patrice Douret ont également déclenché de nombreux dons d’entreprises et de particuliers à destination des Restos du Cœur. Des dons certes impactant, mais qui ne doivent pas faire oublier cette situation dont l’urgence est à son paroxysme. Ces difficultés ne peuvent être solutionnées que par des mesures plus profondes.
« Ces aides peuvent combler le déficit actuel. Mais sur le long terme, il va rester les campagnes suivantes donc si la situation ne bouge pas, il va falloir continuer l’effort au moins les trois prochaines années », conclut Thierry Jossic.