Alain Juppé, candidat de la primaire de la droite et du centre, était à Nancy vendredi 25 novembre pour un ultime meeting de campagne. Des drapeaux tricolores au pupitre en passant par le jus de pêche, dissection d’une messe politique devant 1 500 fidèles.
Dernière ligne droite pour Alain Juppé avant le deuxième tour de la primaire de la droite et du centre. Dernier meeting avant de savoir qui de lui ou François Fillon l’emportera dimanche. Parmi les militants, beaucoup d’indécis, comme ce trentenaire qui viens à un meeting pour la première fois, par curiosité et pour « vérifier si l’Homme que j’ai vu à la télévision correspond à l’homme que je vais voir ce soir » explique-t-il. Deux adolescentes à l’air un peu perdues nous racontent qu’elles sont venues après avoir reçu un SMS de l’équipe de campagne, « du coup on s’est senti investies » se justifie l’une d’elles.
Il y a aussi bien sûr les petits soldats, croisés notamment a coté du stand où l’on distribue du jus de pêche « C’est un peu comme une grande messe ! Tout le monde crie, il y a des gens qui chantent, il y a des drapeaux, c’est forcément un bon moment. Mais c’est pas non plus comme un concert de rock. »
Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate malheureuse et soutien du maire de Bordeaux, le meeting est un moment de rencontre et de partage. Pendant sa campagne elle avait essayé une autre forme de meeting, plus dynamique, avec une scène au milieu du public. « Je pense qu’un meeting marche quand il y a un échange d’énergie », explique l’ancienne ministre. « Parfois une scénographie peut aider, mais elle ne fait pas tout toute seule. D’une certaine manière pour un meeting réussi il faut du talent des deux cotés. » Comme à un concert de rock, finalement ? « Un peu ! Mais on raconte pas la même chose. Moi, si je me mets à chanter il n’y aura pas d’échange d’énergie ! »
« Pas là pour les endormir »
Mais au fait, un meeting, ça sert à quoi ? « Il a deux objectifs » explique Benoist Apparu, député Les Républicains de la Marne et bras droit du candidat qui jouera le rôle du Mr Loyal pendant la soirée. Le premier : adresser un message a l’opinion publique française via les médias présents pour l’occasion. Le second : « mobiliser 1000, 2000, 4000 personnes pour en faire des agents électoraux. Ils doivent ressortir galvanisés, convaincus. »
Et pour galvaniser, il faut du spectacle ? « Chez Nicolas Sarkozy c’est clairement le cas », continue l’ancien ministre. « C’est un show, c’est organisé en tant que tel » analyse-t-il. Et surtout « il y a une bête de scène ». Ce n’est pas le registre de son champion selon lui. Pour lui, un meeting est surtout l’occasion de prendre du temps pour développer ses idées, contrairement aux débats télévisés « où vous avez une minute pour développer votre vision du Moyen-Orient. » On ne doute pas une seconde que les militants écouteront avec attention, mais pour ceux qu’il faut convaincre ? « Évidemment on est pas là pour les endormir ». Alors mettez-vous dans l’ambiance et lisez la suite de l’article avec l’ambiance officielle d’AJ 2017 !
En tout cas le meeting commence bien comme un concert, avec des guests qui s’enchaînent sur scène avant de laisser monter la tête d’affiche. Pendant que les Fabienne Keller, Laurent Hénart ou, last but not least, Valérie Pécresse, chauffent la salle, la star révise sa partition. Soirée décidément très musicale puisque les discours sur le « concert des nations » et l’harmonie de la société française s’enchaînent. Étrangement, Alain Juppé n’a pas l’air de se sentir très concerné par tout ça. Mon voisin photographe s’impatiente lui aussi, particulièrement pendant le discours de Valérie Pécresse « qu’elle retourne en Île de France ! ». Il travaille pour la presse people et vient avant tout pour attraper Juppé. « Il va en prendre plein les yeux » dit-il en montrant fièrement son flash.
La croisière s’ennuie
A la fin de cette première partie, les militants situés à coté de la scène sont chauffés à blanc. Mais le discours du candidat à la primaire va rapidement faire retomber la pâte. Planté derrière son pupitre et campé dans son personnage consensuel, le candidat dialogue avec lui-même, en roue libre, comme un musicien perdu dans une improvisation poussive. Benoist Apparu avait raison. Juppé, le show, c’est pas son truc.
On aimerait se raccrocher à ces fameuses idées qu’on développerait plus longuement qu’à la télé, mais tout reste très vague et nébuleux. On passe sans prévenir du nombre de fonctionnaires à Poutine, dont Juppé se demande « s’il ira voter dimanche », étonné par le soutien du président russe à son adversaire. On apprend que « quand on est à Hong Kong on n’est pas en Europe », qu’un « Corse n’est pas un Breton » (pour vérifier, lire notre fact-checking). On apprend aussi des mots rigolos, comme galéjade, qui finalement résume à lui tout seul la soirée.
L’ennui s’abat lourdement sur la salle, au bout d’une demi-heure certaines personnes rendent les armes et s’en vont. Même les militants n’ont plus l’air de suivre et lancent des « Juppé, Président ! » à n’importe quel moment, sans être vraiment repris par le reste de la salle. Alain Juppé semble coincé dans sa posture de grand calme dans une époque où la préférence va plutôt aux chiens qui aboient.
« Qu’est ce que je me suis fait chier », lance en sortant une jeune femme pour qui la fin de ce meeting est visiblement une libération. Il faudra attendre le dernier bain de foule pour avoir une hausse de tension, le tout bien sûr après la traditionnelle Marseillaise, histoire de jouer la partie jusqu’au bout, malgré tout.