Derrière les murs du centre de rétention de Metz, des hommes attendent une hypothétique autorisation de séjour de l’administration. Michel, du Reseau Education Sans Frontières, nous a conduits jusqu’à eux.
Metz-Queuleu. Le centre de rétention administrative de Metz, où une trentaine d’étrangers sont « retenus ».
Michel, du Réseau Education Sans Frontières (RESF), est notre guide. Retraité du BTP, la croix de bois autour du cou et un gros sac sur le dos, ce bénévole visite les étrangers en situation irrégulière incarcérés dans cette prison qui ne dit pas son nom.
« Ce n’est pas une prison, mais presque. »
Contrôlés par les gendarmes et passé le poste de garde, nous marchons le long de la route qui longe les hauts murs de la maison d’arrêt de Metz. La ligne de bitume sans trottoir mène au centre de rétention administrative CRA situé à l’arrière de la prison de Metz-Queuleu.
500 mètres plus loin, arrivés au grillage, un gendarme nous accueille le trousseau de clés à la main. Un salut militaire, nous sommes attendus.
Michel reconnaît le gendarme de faction et dit doucement « tu sais, ils sont braves nos gendarmes. » Nous pénétrons dans le bâtiment. Nos affaires posées sur un comptoir, c’est le passage obligatoire sous le portique de détection. Un second gendarme nous remet une clé de consigne, aucun objet n’est toléré pour la visite. Accompagnés au parloir, ils nous laissent dans une pièce bleue propre et lisse. Le mobilier, table et bancs, est scellé au sol. Dans notre dos, derrière le vitrage blindé, un gendarme veille. Sonnette, appel, ça bouge de l’autre côté de la porte en face de nous. Accompagné d’un gendarme, un jeune homme un peu méfiant et étonné, s’assied.
Julian
C’est Julian, un jeune Albanais de 22 ans. Depuis deux ans à Metz, il a été interpellé par la police, rue des Allemands. Nous n’en saurons pas plus. Le jeune homme, dans le centre depuis trois jours, est très affecté. Michel connaît sa tante, prend des nouvelles de sa situation administrative, le rassure et note tout sur son cahier d’écolier à la page ‘’devoirs’’. Il contactera son référent dans le foyer éducatif où il loge ainsi que le lycée où Julian apprend le métier de maçon. Julian s’ennuie, il n’y a que la télévision. ‘’Tu peux faire du sport ? – Oui, mais la cour est trop petite et les deux paniers de basket sont sur le même mur.’’
Michel promet qu’il reviendra le lendemain avec des vêtements propres et des livres. Nous nous quittons, Julian frappe à la porte, un gendarme le raccompagne.
« Je voudrais voir Shoukran. »
Shoukran, un Afghan de 22 ans, s’exprime dans un anglais fluide. En France depuis trois ans, son périple l’a amené à Calais, Paris et Thionville où il a été arrêté. Pour arriver en Europe, Shoukran est passé par l’Afrique du Sud, l’Ethiopie et la Turquie. Sa famille a payé 14 000 dollars à des passeurs pour qu’il puisse rejoindre la Grande-Bretagne. Mais Shoukran est fatigué et veut rentrer chez lui, malgré la guerre. Il a fait une demande à l’Office Français de l’Intégration et de l’Immigration (OFII) pour bénéficier d’une aide au retour de 6000 euros. Il attend depuis cinq mois une réponse de l’administration.
Michel l’écoute et lui conseille d’adresser une plainte à la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg et l’aidera dans ses démarches. Rendez-vous est pris pour la semaine d’après.
Boliroff
Boliroff est Azeri. Agé de trente ans, il se retrouve au centre pour la cinquième fois. Peu loquace, à bout de nerfs, il tremble et a les yeux vitreux : « je ne vais vraiment pas bien ». Ce n’est pas la première fois qu’il rencontre Michel : « Qu’est-ce que tu veux ? (…) C’est la cinquième fois que tu viens et il n’y a toujours rien pour moi ». Un malaise s’installe entre les deux hommes. « Je suis là pour prendre de tes nouvelles », enchaîne Michel.
Boliroff, à Metz depuis quatre ans, a été interpellé au péage de Jarny : « au mauvais endroit, au mauvais moment… », soupire-t-il. Sa situation est kafkaïenne : officiellement Azeri, il a dû se rendre à trois reprises, menotté, au consulat d’Arménie pour être expulsé. Une situation absurde dénoncée par RESF : « l’administration marche sur la tête », constate Michel, en levant les yeux au ciel. Peu avant la fin de la visite, Boliroff, au bord des larmes, lâche : « si ça continue, on me retrouvera avec les veines ouvertes… ».
Le temps de visite est passé. Les gendarmes nous raccompagnent. Chemin faisant, le brigadier nous parle de sa passion de l’Afrique et de la cuisine africaine.
En passant au checkpoint pour récupérer nos pièces d’identité, Michel confie que bientôt, ce ne sera plus les gendarmes qui garderont les retenus, mais la Police de l’Air et des Frontières. Il ajoute d’un air grave : « Là, fini la rigolade. »