Le mercredi 2 avril 2014, c’est la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. En France, environ 440 000 personnes sont touchées par ce trouble du développement. Un trouble qui peut être mieux pris en charge s’il est diagnostiqué tôt, si les familles et les personnes travaillant au contact des enfants savent le reconnaître et le comprendre. Le troisième plan autisme, présenté il y a un an, avait justement pour objectif d’améliorer ces deux points. La situation a-t-elle évolué depuis un an ? Comment les enfants sont-ils diagnostiqués aujourd’hui ? Que reste-t-il encore à faire ?
Entretien avec Jocelyne Boury, coordinatrice d’un centre de diagnostic de l’autisme infantile à Metz.
Quels sont les signes qui vous permettent de déterminer qu’un enfant est autiste ?
Dans notre centre, l’enfant va être reçu par plusieurs professionnels, qui, ensemble vont pouvoir dresser un diagnostic affiné de son trouble – car il existe différents niveaux d’autisme et les signes sont différents d’un enfant à l’autre -.
Qui sont les professionnels qui aident à ce diagnostic ?
Nous avons un médecin, qui fait un diagnostic préliminaire, des orthophonistes qui étudient le niveau du langage, des psychomotriciennes qui analysent le développement du corps, par exemple comment l’enfant se déplace, s’il pointe les objets qui l’entourent.
Une infirmière et une éducatrice vont ensuite lui faire passer le test qui s’appelle “ADOS”. Pour cela, elles vont tout simplement jouer avec l’enfant et filmer cette interaction. Ensuite, elles revisionnent le film et repèrent par exemple si elles n’arrivent pas à capter son regard, s’il ne supporte pas que l’on déplace des objets – donc qu’il y ait un changement – ou s’il a des difficultés à développer des jeux qui font appel à son imaginaire. Enfin l’enfant passera, avec les psychologues, le test “PEP” qui permet d’évaluer ses aptitudes psychologiques.
Doit-on s’adresser à vous si l’on pense que notre enfant est autiste ?
Dès qu’une famille fait une demande pour poser un diagnostic, celle-ci est envoyée au Centre Ressource Autisme (CRA) de Lorraine, situé à Nancy. C’est eux qui vont décider où la demande sera traitée, pour éviter les longs déplacements aux familles. Notre centre fait partie de ces six unités réparties dans la région pour être au plus près de la population. Nous nous chargeons des enfants à partir de six ans environ. Mais attention, l’enfant ne va venir ici que pour le diagnostic. Sa prise en charge se fera ensuite dans une école ordinaire ou spécialisée. Ce n’est pas notre rôle d’assurer un suivi.
Combien d’enfants sont diagnostiqués chaque année dans votre centre ?
On ne prend que 25 enfants chaque année. Nous n’avons pas le choix : nous travaillons avec des professionnels de santé qui viennent au centre en plus de leur mission principale et nous ne pouvons ouvrir que le mardi matin. Le diagnostic se fait seulement en deux séances. Bien sûr, parfois il peut y avoir une attente jusqu’à trois mois pour un rendez-vous, mais nous essayons d’éviter cette situation car en trois mois les enfants ont le temps d’évoluer.
Une fois le diagnostic terminé, avec quoi les parents repartent-ils d’ici ?
Un diagnostic, une synthèse rédigée par un médecin et surtout des conseils. Car nous sommes aussi là pour les écouter, les rassurer, et mettre en valeur le potentiel de leur enfant. Aujourd’hui il y a quand même une ouverture plus grande des familles sur la question de l’autisme. On comprend que c’est un enfant différent, qui fonctionne différemment. Mais c’est tout un travail d’accompagnement psychologique de la famille pour accepter cette différence. Comment l’élever ? Comment l’éveiller à la vie ? Aux autres ?
Qu’est-ce qui, selon vous, pourrait améliorer la prise en charge précoce ?
Il manque un travail auprès des familles, un contact plus régulier. Car elles sont démunies. Il faut créer un lien entre elles et les institutions. Donc là, au niveau local, nous allons essayer de rencontrer les associations de familles et les travailleurs sociaux qui travaillent dans les institutions pour échanger avec eux et voir ce que l’on pourrait mettre en place pour aider les familles isolées.
Que mettez-vous en œuvre au niveau local pour améliorer ce diagnostic ?
Notre objectif est de former les personnes qui travaillent au contact des enfants à repérer les signes liés à l’autisme. Nous formons par exemple des personnes de la PMI (Protection maternelle et infantile). Car une puéricultrice va souvent chez les familles, elle doit pouvoir repérer si l’enfant a un développement ordinaire ou si, par exemple, il a du mal à fixer le regard de sa maman, et alerter ! Nous proposons aussi ce genre de formations auprès des AVS (auxiliaire de vie scolaire) ou des CAMSP (Centres d’Action Médico-Sociale Précoce) qui accueillent les enfants tout petits.
Avez-vous vu les choses s’améliorer depuis le lancement du dernier plan autisme ?
C’est plus une réflexion qui se fait au niveau de Nancy. Nous, nous suivons juste une feuille de route. On se fixe aussi nous-mêmes des objectifs mais on manque de temps : il y a 25 bilans à faire passer dans l’année, par des intervenants qui viennent exprès ici le mardi, plus les formations à assurer… On essaie d’en faire le plus possible en fonction de la politique nationale, mais on peut être très vite limité.