Il y a bien un adjectif qui décrit parfaitement les alsaciens : la fierté. Pour Benoît Seiller, cela va bien au-delà, c’est un enjeu politique.
Le village de Scharrachbergheim-Irmstett est une image presque caricaturale de l’Alsace. Un décor dans lequel nous retrouvons l’identité et la culture alsacienne comme figées dans le temps, avec ses maisons à colombages, typiques de la région. C’est ici que vit Benoît Seiller, militant et responsable de section du parti régionaliste Unser Land (Notre Pays, ndlr).
À 60 ans, l’homme aux cheveux poivre et sel vient de quitter les bancs de l’école. Ancien professeur, il s’est engagé pour la deuxième fois aux élections régionales en juin 2021. Son objectif, mettre au premier plan les traditions locales. Ses convictions, il a commencé à les défendre avec l’alsacien, qu’il met un point d’honneur à qualifier de « langue ». « Parler l’alsacien fait partie de mon identité. », précise-t-il.
Si cette thématique lui tient autant à cœur, c’est parce qu’il a appris à le parler bien avant le français. « C’est ma langue maternelle. », nous partage Benoît Seiller. Tradition familiale depuis des générations, il a tenu à reproduire ce schéma avec ses filles. Hélas, selon lui, cet apprentissage se perd dans la région. En scolarisant sa fille aînée, il se rend compte que cette culture n’est plus aussi transmise aux enfants, c’est le déclic.
Des idées à l’engagement politique
En 2012, il rejoint Unser Land, créé en 2009, parti nouvellement fondé qui défend l’autonomisme de la région. La réforme territoriale votée en 2015 crée une forte contestation en Alsace. À l’époque, Benoît Seiller s’implique dans toutes les manifestations. Son engagement l’amène à se présenter aux élections départementales la même année. Il représente ses idées dans le canton de Molsheim dans le Bas-Rhin. Expérience qu’il effectue à nouveau en 2021.
Incarner ses idées, il le fait aussi en dehors du champ politique. Lors d’un déplacement de François Hollande à Strasbourg en 2018, l’autonomiste décide de l’interpeller. Le but, l’interroger au sujet de la création du Grand-Est sous sa présidence. Une prise de parole qui fût accompagnée se souvient-il de quelques applaudissements.
De la même manière, le militant prend l’initiative d’écrire plusieurs fois au Conseil départemental et à la Région pour instaurer l’apprentissage de l’alsacien à l’école. Lorsqu’il s’agit de défendre ses convictions, il n’hésite pas à prendre les devants. Bien que ses proches voient en lui un véritable meneur, il se décrit comme étant réservé.
Un combat pour les traditions
« Il n’oublie pas d’où il vient. », indique son ami Pierre Bertaut. Il sait ce qu’il défend et le fait avec passion. Il nous le confirme « Benoît est convaincant, au-delà du fait qu’il soit lui-même convaincu. » Un atout majeur pour un candidat aux élections.
Défendant l’autonomie de l’Alsace, Benoît Seiller souhaite sortir de la région Grand-Est, dans lequel se perdent selon lui les coutumes qu’il apprécie tant. Il lutte massivement pour une décentralisation des pouvoirs. Son objectif, permettre à sa région de prendre davantage de décisions par elles-mêmes, sans aucune intervention de la capitale.
Il ne s’agit pas seulement de se démarquer de Paris, mais de faire vivre sa culture. Au-delà de ses revendications, le drapeau régional est une grande source de fierté. Il affirme ne pas se reconnaître dans le drapeau tricolore. Les couleurs qui lui tiennent à cœur sont celles du Rott ùn Wiss, le drapeau historique alsacien à bande rouge et blanche. Un étendard qu’il n’hésite pas à exposer fièrement chez lui et à accrocher à son veston.
Certaines idées défendues par Unser Land se retrouvent dans les partis nationaux comme Les Républicains (LR). Pendant le dernier tour des élections régionales, Philippe Meyer, le candidat LR qui « se retrouvait dans l’idée d’une Alsace plus forte », s’est étonné que le candidat d’Unser Land « ait défendu [ses] opposants écologistes, qui ne sont pas réputés pour le retour d’une région Alsace. »
À la quête du pouvoir
Benoît Seiller choisit bien ses mots. Avec une certaine prudence, il avance ses arguments, avec une justesse professorale. Cela n’est pas sans rappeler sa carrière d’enseignant dont il garde l’écoute et la pédagogie. « Il est toujours partisan du dialogue. » affirme Pierre Bertaut, sûrement une « déformation professionnelle » confirme Richarde Hild, son binôme aux dernières élections.
Son temps de réflexion peut s’apparenter à de l’hésitation « Il a tendance à revenir sur une décision pour être sûr que celle-ci est la bonne. » témoigne-t-elle. Le candidat accorde beaucoup d’importance aux détails, sa détermination peut être perçue comme du perfectionnisme. « Nous avons relu les textes pour la campagne je ne sais pas combien de fois. » se souvient sa binôme.
Si Benoît Seiller était ravi de s’engager en 2015 pour la campagne des régionales, celle de 2021 lui laisse un goût plus amer. Son envie de transmettre ses idées et d’aller vers les autres s’est trouvée freinée par la pandémie de Covid-19. Pour lui et sa colistière, un sentiment d’inachevé persiste.
Lorsque nous lui évoquons une prochaine candidature, il reste incertain, mais ne dit pas non. « Le but est d’arriver au pouvoir. » revendique-t-il. Arrêter de défendre ses convictions ne fait pas partie de ses priorités.
Arthur Hoeltzel et Tiffany Pintado