À 50 ans, Cédric Bany a vu sa vie transformée par le footgolf, discipline hybride entre le football et le golf. Une trajectoire que l’infirmier en bloc opératoire n’aurait jamais imaginée des années auparavant, lui qui a participé à la dernière Coupe du Monde en 2023.
Nous sommes au lendemain des fêtes de Noël à Tremery, petit village de Moselle où Cédric Bany réside. Lorsqu’il ouvre la porte, on observe le sapin encore allumé, et les décorations qui arpentent toujours les murs. Cédric s’assoit à table, l’allure fière, et le sourire aux lèvres. À la maison, le moment est vécu comme un événement : la femme, la fille, et la mère du grand sportif sont assises sur le canapé, et elles tendent l’oreille sur ce qu’il se passe, pleines de curiosité, car personne n’aurait imaginé qu’on puisse lui consacrer un article. A 50 ans, Cédric Bany est quelqu’un de très ordinaire, dont la vie ne l’est pas forcément. La journée, il s’occupe de ses patients au bloc opératoire. Les soirs, quand il trouve le temps, il troque sa blouse blanche pour son maillot de footgolf. Cédric évolue dans le club d’Amnéville, mais suite à la fermeture du golf de la ville, il est contraint de s’entraîner à Longwy. Mais les horaires de travail, et la météo contraignante de l’hiver font que le joueur ne s’entraîne que très peu sur les cours de golf : il privilégie surtout la préparation physique pendant cette période.
Le footgolf, entre insolite et hybride
Le footgolf est une discipline très récente, apparue aux Pays-Bas il y a seulement 15 ans, avant d’émerger en France ces 10 dernières années. Cédric, lui, le pratique depuis bientôt cinq ans : “C’est le même principe que le golf, mais on remplace les instruments par les pieds, la balle de golf par un ballon de foot, et les trous sont adaptés”, explique-t-il. Le Trémerois a toujours baigné dans le milieu du football : d’abord joueur à ses plus jeunes heures, il a longtemps exercé en tant qu’arbitre, puis en tant qu’éducateur auprès des jeunes joueurs du FC Tremery (FCT), le club de son village. “Avec le footgolf aujourd’hui, j’ai beaucoup moins de temps pour le FCT. À un moment donné, il faut faire un choix”, confie-t-il. Si le football a toujours été une évidence pour Cédric, le footgolf, lui, ne l’a pas été. “J’ai commencé au moment de l’épidémie de COVID, c’était l’un des seuls sports qui respectait les gestes barrières. J’ai un copain, Sébastien Dany, qui m’a proposé de tester, donc j’y suis allé, et j’ai accroché”, raconte le joueur.
D’Amnéville à Orlando
Une proposition à priori anodine, qui va l’amener en Floride trois ans plus tard, pour défendre les couleurs de son pays lors de la Coupe du Monde de footgolf. Un véritable effet papillon pour le cinquantenaire : “Si on m’avait dit un jour que j’aurais joué en Équipe de France de n’importe quel sport, j’aurais bien ri !”, s’esclaffe-t-il, accompagné par les rires de sa femme Katy en fond. L’ancien éducateur a réussi à être sélectionné pour la compétition grâce à son classement : il a terminé 10e meilleur joueur français dans la catégorie Senior. Un classement dont Cédric Bany ne se vante jamais. Bien au contraire, il a même un fort syndrome de l’imposteur lorsqu’il évoque son niveau de jeu qu’il estime “moyen”, avec les autres joueurs qui sont “tous bien meilleurs que lui”, à l’image des Slovaques qui l’ont battu lui et son coéquipier Sébastien Dany en quart de finale de la Coupe du Monde. Pas de coupe à la maison pour le Trémerois malheureusement. Seulement des souvenirs inoubliables, encore gravés, avec la victoire par équipe de la France face aux Argentins. “Une aventure humaine géniale” selon lui.
Une passion qui implique des sacrifices
Si participer à la Coupe du Monde de footgolf à Orlando peut relever du rêve américain, la réalité pour Cédric est toute autre. “Pour l’instant, c’est un milieu amateur. Pour aller aux États-Unis, on a dû se débrouiller pour payer le voyage”, raconte le sportif. L’avion, et l’hôtel, Cédric a tout payé de sa poche. Les seules aides pour lui ont été ses sponsors, des entreprises de son village qui l’ont soutenu dans l’aventure, et l’Association Française de Footgolf (AFFG), qui leur a fourni les tenues de la France. Cela s’explique par le manque de médiatisation de la discipline, qui ne permet pas encore d’ingérer des moyens dans les tournois. À chacun de ses déplacements, le joueur de footgolf ne perçoit aucun revenu lorsqu’il dispute des compétitions, et doit financer l’intégralité de ses voyages. “Il est épanoui dans ce qu’il fait, donc on le soutient à partir du moment où ça n’entrave pas trop sur la vie de famille. De toute façon, ça ne va pas durer éternellement”, explique Katy, pleinement exposée à la vie tumultueuse de son mari.
Avec des tournois dans toute la France un week-end sur deux, des compétitions à l’étranger, et des entraînements deux fois par semaine, Cédric vit, et respire footgolf. “La place que prend le footgolf dans ma vie ? Il y en a qui diraient un peu trop”, répond-il accompagné d’un rire nerveux, suivi d’un regard inquiet vers sa bien-aimée. À 50 ans, l’ancien arbitre continue de se fixer des objectifs, et il est maintenant tourné vers la prochaine Coupe du monde, qui devrait se tenir à Abu Dhabi en janvier 2026. Lui qui n’avait pas remplit les critères pour participer au dernier Euro, espère faire partie du voyage aux Emirats Arabes Unis pour performer avec les Bleus. “Le footgolf, c’est un sport plaisant et pas très fatigant. Tant que je n’aurai pas atteint tous mes objectifs, et que j’y trouve encore l’envie sans me blesser, je continuerai.”
Nathan MULLER