Originaire du pays de Bitche, Christophe Schoepp a pris son envol avec « Crisluna », un projet musical très personnel. Rencontre avec un musicien sensible et adepte du « do it yourself ».

Il arrive 35 minutes en retard. S’excuse dans un sourire gêné et retire son bonnet, découvrant de longs cheveux blonds en bataille. Christophe Schoepp, 45 ans, ressemble à un surfeur lunaire, au look d’éternel adolescent. Il se commande un café, s’excuse à nouveau. Entame la conversation, volubile et avenant. Il sort un CD de son sac comme on brandit une pièce d’identité. Sur la pochette, son nom de musicien : « Crisluna ». Un double fictif créé à l’aube de ses quarante ans.

Alors, crise de la quarantaine ou crise d’adolescence tardive ? « C’est la suite d’un parcours de vie, un besoin de faire le bilan » corrige Christophe. Une vraie rupture, cependant : après dix-sept années de travail dans une imprimerie nancéienne, il décide de claquer la porte. « J’ai bossé vingt ans pour le grand capital français, avec une grosse pression économique. Mon entreprise a été rachetée par un groupe financier, on nous réclamait une rentabilité à deux chiffres. Le climat devenait très mauvais. J’ai dit stop. » Christophe démissionne et décide de suivre son instinct. Il monte une boîte d’impression numérique avec deux amis. Puis s’attaque au projet de sa vie : la construction d’un home studio et l’enregistrement d’un disque, « Babylon Child », aux sonorités pop-rock aériennes, sorti en 2011. Un premier album engagé, « voyage sonore » sur les thèmes de l’écologie, du trafic d’armes ou encore de la maltraitance d’enfants. « Ma philosophie, c’est de ne pas attendre que les choses se produisent, ni se laisser bouffer par le système. Le monde que l’on veut, il faut le fabriquer soi-même » proclame-t-il, à la manière d’un jeune révolutionnaire. Il suit alors le chemin tracé par sa femme Isabelle, sa camarade de route depuis 24 ans. Licenciée par une agence de publicité il y a quelques années, elle décide d’ouvrir une boutique de vêtements. Avec succès. Un déclic ? « Il a construit son home studio peu de temps après. En me voyant monter mon projet et m’éclater, je pense qu’il s’est dit qu’il pouvait faire pareil » commente-t-elle.

Crisluna alias Christophe Schoepp sur scène

Christophe Schoepp retrouve des sensations oubliées : la composition de chansons, l’écriture, le live. Une lumière vive dans les yeux, il raconte ses premiers pas sur scène, dans son collège, alors qu’il avait une dizaine d’années. Christophe est tombé dans la musique « tout petit ». Une enfance au pays de Bitche, au coeur du bassin houiller. Un père mineur, une mère au foyer qui s’occupe de lui et de ses trois sœurs. L’enfant se passionne pour le rock à l’âge où l’on récite des comptines. Sans doute en réaction à une famille dont le goût pour la musique s’arrête à la variété française et au folk allemand. Il achète son premier vinyle d’Elvis Presley, au marché à 7 ans et l’écoutera « cent vingt mille fois ». Il prend des cours de guitare mais n’est pas un bon élève. « Je ne savais pas faire un morceau en entier au bout d’un an et demi ! Je voulais jouer, pas apprendre » se justifie t-il. Il met sa guitare de côté, et la reprend au collège au sein d’un orchestre de jeunes. Le petit groupe enchaîne les représentations dans des bals et des concerts, joue du Chuck Berry, du Beatles, du Martin Circus.

Christophe intègrera un groupe de métal, puis une formation pop rock, « MFO ». Des expériences enrichissantes mais qui ne le comblent pas totalement : « Dans un groupe, comme dans un couple, tout est affaire de compromis. J’ai toujours eu envie d’un projet musical à moi.» Il faudra deux décennies pour voir aboutir ce projet. «Ça été très solitaire, un dialogue avec moi-même. Ce premier album, je l’ai presque fait en cachette». Une «erreur», confesse-t-il après coup, qu’il ne veut pas répéter. A la veille d’enregistrer son deuxième album, il été rejoint par un batteur, Christophe Clément. «Je ne me vois plus jouer tout seul, j’ai envie de partager la musique». Y compris avec ses deux fils, Léo et Tom, qu’il essaie d’éduquer musicalement. Sa femme aussi doit s’intégrer dans son univers : «Sa guitare est ma plus grande concurrente, plaisante-t-elle, mais je le suis à 200%. Je n’ai pas raté un seul de ses concerts».
Le nouvel album, dont l’enregistrement est prévu fin mars dans un «vrai» studio, sera «plus rock». La guitare va être remise au centre de la musique. La voix aussi : «Sur le premier album, elle était un peu négligée car je n’étais pas sûr de moi. J’ai gagné en confiance.» A présent, le musicien voudrait trouver un label, pour faciliter la programmation des dates et la distribution. Mais son ambition principale reste de prendre du plaisir. Comme dans le petit orchestre de ses débuts, au collège : « Je veux faire passer ma joie de jouer, diffuser des ondes positives, car la musique est le
premier des langages. »

Pour Webullition, Christophe Schoepp a sélectionné quelques-uns de ses titres favoris.