La trentaine, beau garçon, Frédéric Bauer est un professeur de maths épanoui. Une situation aux antipodes de celle vécue il y a douze ans. Détaché de sa famille restée en Moselle, un malaise habite l’étudiant nancéien. Frédéric découvre qu’il est homosexuel. Rencontré à l’association « Couleurs gaies » dont il est membre, il raconte son coming-out. Une période de doutes et de frustration.

Une grand-mère inquiète, une mère qui doute, son entourage avait saisi un mal-être chez Frédéric. Renfermé à la sortie de l’adolescence, l’étudiant en mathématiques n’a toujours pas présenté de petite amie. « Je souffrais de la solitude, on me trouvait triste », glisse l’interviewé. Jusqu’au jour où sa meilleure copine lui présente « un bon pote » : Nils. À 23 ans, ce premier coup de foudre conduira le jeune amoureux à débuter son coming-out. Quelques semaines après sa première expérience, Frédéric passe aux révélations un dimanche matin. « Mes parents étaient encore au lit. Je tournais en rond devant la porte. J’ai pris une grande inspiration et je suis rentré », se remémore Frédéric. Instinctivement, le jeune garçon se place du côté de sa mère et lance : « Maman, papa, je suis amoureux. » Martine l’interroge, énumère des noms de filles, comprend qu’il s’agit d’un garçon et « comme toutes les mamans » demande : « C’est quelqu’un de bien ? » Les yeux fixés sur sa revue, Roland, son père, reste impassible. Deux semaines plus tard, il lui envoie une lettre. Il respecte son orientation sexuelle. Soulagé, « un poids s’est libéré » pour Frédéric.

Embellie

L’idylle avec Nils s’achève rapidement. Éphémère, elle aura permis au jeune homme de se révéler. Il s’assume et rencontre son deuxième amour, Nicolas. « C’est le premier que j’ai présenté à ma famille. » Ses deux jeunes frères ne sont pas encore au courant. Yann, le cadet, recevra un texto. Devant une émission sur l’homosexualité, Martine avouera au plus jeune de la fratrie que l’aîné aime les hommes. Quelques larmes et une réaction : « Je ne veux pas qu’on lui fasse de mal. »

Douze ans après, Frédéric, 35 ans, semble heureux. Aujourd’hui administrateur de « Couleurs gaies », il est pacsé avec Stéphane, rencontré à l’association. Ce dernier, tout juste arrivé, interrompt brusquement l’entretien : « Fred, faut qu’on cale une date pour un week-end avec les gens de l’asso ! » L’agenda dans les mains, le couple mettra plusieurs minutes à trouver un créneau où ils sont tous les deux disponibles. Les deux hommes sont très indépendants. Actions politiques et éducatives pour Stéphane, aviron et cours de maths pour Frédéric, le couple se retrouve dans leurs engagements à « Couleurs gaies ». Les soirées autour d’un DVD se font rares. « Mais c’est pour ça qu’elles sont appréciables », esquisse Frédéric. Installés dans le quartier de Devant-les-Ponts (Metz), ils y accueillent régulièrement leurs amis et la famille.

Discret mais impliqué

Dans son lycée à Jarny, le prof de maths n’exhibe pas sa vie privée. « Je choisis à qui je le dis. Mais je ne mets jamais le prénom de mon copain au féminin », répond catégoriquement l’interviewé. Auprès de ses élèves, il est le prof autoritaire et rigoureux. Son discours est tout autre lorsqu’il revêt sa casquette de militant et intervient dans les établissements scolaires pour lutter contre l’homophobie. Malgré ses actions de sensibilisation, la politique dans le couple est généralement l’affaire de Stéphane. « Moi ? J’écoute rarement les infos… », sourit Frédéric. En revanche, il s’est mobilisé pour le « mariage pour tous ». « Quand les gens marchent dans la rue pour refuser des droits aux autres, c’est surprenant », lâche le Mosellan, un peu agacé. Dans la famille, le sujet n’était pas tabou. « Je ne pense pas qu’il y avait des voix discordantes. »

« Privilégié »

Mobilisé, mais pas concerné : le couple n’envisage pas de se marier. Ni même d’avoir un enfant. « Stéphane y est opposé et moi, je n’en ressens pas le besoin. On se bat surtout pour les droits de notre communauté dans la société. » Aujourd’hui, Frédéric ne souhaite rien de plus. « Évidemment qu’on peut encore améliorer deux trois choses. L’expression « PD » est trop souvent associé à pédophile et d’autres blagues douteuses polluent le quotidien. » Mais les deux hommes ont appris à faire avec. Le couple semble serein, rares sont les disputes. La confiance est bien instaurée : « Je n’ai aucun doute sur notre fidélité. Les règles ont été fixées », assure Frédéric. Avec le recul, le Mosellan pense être un « privilégié ». « J’ai eu une enfance à l’abri de tous les maux, avec des parents aimants et attentionnés. » Aujourd’hui encore, sa mère est aux côtés de son fils au sein de l’association. Elle accompagne d’autres mamans lors des coming-out de leurs enfants. Un acte d’amour pour aider ceux qui peinent à l’accepter.