Intelligence artificielle. Cette discipline scientifique cherche à recréer ou à simuler les conditions de l’intelligence sur un ordinateur. Au delà d’une réalité catastrophe dont les dérives angoissent les experts, certains voient dans le numérique l’avenir de l’humanité. Entre modification et soutien apporté à l’humain, certains pensent à une sauvegarde informatique de ce qui compose l’homme : la conscience.
Transcendance, Total recall, Terminator, tous ces films exploitent le filon de la relation homme / machine. Mais leurs scénarios ne proposent souvent qu’une version catastrophe de notre monde actuel.
Nous allons vite, le temps s’accélère et la technologie est omniprésente. L’intelligence artificielle a gagné toutes les sphères du quotidien : téléphonie, médecine, etc. Mais que recouvre réellement l’intelligence artificielle (IA) ? En existe t-il une définition scientifique ? Pour Alexis Tsoukias, directeur de recherche au CNRS dans les domaines des mathématiques et de l’informatique, il est impossible de donner une définition précise de l’IA puisque ce domaine est totalement hétérogène : “ Il va de l’analyse de l’image à la robotique, du raisonnement formel à la décision. L’IA reste avant tout un domaine de recherche marginal, plus que d’informatique appliquée.” Mais Tsoukias avance un autre argument : le terme d’IA est utilisé par des individus qui s’auto-définissent comme chercheurs dans ce domaine. Cependant, elle existe depuis plus de cinquante ans.
50 ans d’Intelligence artificielle
Certains scientifiques tirent la sonnette d’alarme sur l’emprise croissante de la machine aujourd’hui. Ils commencent à parler de futures dérives voire même d’une humanité en perdition. A l’inverse, d’autres voient l’avenir de l’homme avec la machine et prévoient que cette dernière s’intègre définitivement au corps humain. Ils abordent ainsi des thématiques qui feraient trembler le plus inventif scénariste de science-fiction : le transfert de la conscience humaine dans un ordinateur. Aujourd’hui, une frange de la science sonde ce potentiel de la machine. Est-ce une lubie de savant fou ? Pourquoi vouloir coder la conscience humaine ?
Qu’est ce que la conscience humaine ?
Ici, c’est un véritable débat d’idées entre chercheurs et philosophes. Christof Koch et Giulio Tononi, deux neuroscientifiques considèrent que la conscience relève exclusivement des mathématiques, de la physique et de la logique. En définitive, de quelque chose de définissable et de quantifiable, comme une suite de chiffres. Jean-Gabriel Ganascia, philosophe spécialiste de l’Intelligence artificielle, évoque, lui, une double conscience : une existentielle relative au comportement et une phénoménologique, difficile à étudier puisque purement émotionnelle. Dans ce dernier cas, il avance qu’une machine n’est pas en mesure d’avoir une conscience.
Concrètement, qu’est-ce que le transfert de conscience ?
Pour l’instant, la question relève du domaine de l’expérimentation. On est encore dans l’ordre du fantasme. Lorsqu’on parle d’un transfert de conscience, les chercheurs n’essaient pas réellement de copier la dualité de conscience, celle de l’esprit et de la matière qu’évoque Jean-Gabriel Ganascia. Comme le spécifie Alexis Tsoukias, “On essaie de reproduire une activité de la conscience sur une machine. On émet une hypothèse sur ce qu’est l’apprentissage par exemple, et on essaie de la reproduire sur une machine.” Ganascia va dans le même sens. “La machine n’a pas de conscience propre, mais lui transférer une conscience existentielle, c’est à dire une attitude reste possible.” On tente même de donner à la machine des clés pour étudier le comportement humain et le reproduire, mais de son plein gré, la machine n’éprouvera pas d’émotion au sens propre.
“Nous reproduisons la manière par laquelle le cerveau fonctionne ou comme on pense qu’il fonctionne”, précise Alexis Tsoukias, “le fait est qu’en réalité un ordinateur ne fonctionne pas de la même façon qu’un cerveau humain.” Concrètement, cela signifie que la machine n’a pas intérêt à reproduire à l’identique les actions humaines. La question est maintenant de savoir si l’on veut reproduire exactement le procédé par lequel un cerveau travaille ou une tâche cognitive humaine uniquement. “Il s’agit de la réinterpréter pour qu’elle apporte un complément à celle effectuée par l’homme”, ajoute le chercheur.
Mais concrètement, comment ça se passe ? Transférer une conscience sur ordinateur requiert des algorithmes précis et différents. “Il faut utiliser des schémas plus poussés que l’algorithmie classique. On permet ainsi au logiciel de faire quelque chose de plus avancé. On lui apprend à apprendre, à écouter, à voir”, détaille Alexis Tsoukias.
Peut-on transférer la conscience humaine en faisant abstraction des émotions ?
Alexis Tsoukias est sceptique sur l’utilité du transfert des émotions : “Il faut se demander si cela sert à quelque chose”. Il explique qu’on n’exige pas de la machine qu’elle ait des sentiments. Il élude ainsi la question de la faisabilité du transfert des émotions. On attend qu’une seule chose à la machine : qu’elle agisse. Avec humour, il ajoute qu’“On ne demande pas à la machine de se marier avec un homme”.
Face à lui, Jean-Gabriel Ganascia tient un discours plus nuancé. Selon lui, si les chercheurs n’attendent pas qu’une machine ressente des choses, ils se penchent néanmoins sur le mimétisme des émotions.
Y a t-il un risque d’altération de la conscience lors d’un transfert ?
Lorsqu’un sujet est traité par ordinateur, on ne peut garantir son intégrité. Alexis Tsoukias explique qu’ “On sait depuis longtemps qu’un algorithme fait ce pour quoi il a été conçu mais il peut y avoir des dysfonctionnements”. Un point de vue que partage le philosophe Jean-Gabriel Ganascia : “On peut imaginer tout ce qui peut arriver à cette conscience téléchargée[…]”. Dès lors, le transfert de conscience prend une autre dimension. En dehors de la faisabilité ou des multiples questions autour des émotions, que se passerait t-il si l’algorithme était incomplet ou incorrect ? Pour l’instant, la question reste en suspens. Pas de réponse pratique…sinon dans les films apocalyptiques.
Chercheurs et philosophes divergent sur la question du transfert de la conscience humaine sur un ordinateur, mais il y a un point sur lequel ils se rejoignent : son caractère utopique.
Alors, pourquoi s’intéresser à un projet qui a une chance quasiment infime d’éclore ? Le scientifique avance l’argument de la curiosité “On commence par intérêt scientifique, il faut laisser le temps de voir s’il a du sens” Quant au philosophe, les motivations sont clairement affichées : faire un pas vers l’immortalité.
Comment les internautes perçoivent-ils l’intelligence artificielle ?
Capture d’écran d’un sondage réalisé par Clubic.com du 7 au 14 Février 2015
Cet article a été écrit dans le cadre d’une réflexion sur le numérique pour le site Obsweb.