Festival Musiques Volantes. Avec sa série documentaire Salvia, l’artiste Camille Ducellier partage sa vision des cultures sorcières en France. Une immersion dans le monde hors normes des sorcières contemporaines.
Oubliez le mythe de la sorcière au chapeau pointu et au nez crochu. Aujourd’hui, elle fait son grand retour, et ce n’est pas pour fêter Halloween. Dans l’intimité de la Maison des cultures et des loisirs de Metz, une projection du travail de la réalisatrice parisienne Camille Ducellier avait lieu le 15 novembre. Avec ses deux projets interactifs “REBOOT ME” et son expérience documentaire intitulée Salvia, la trentenaire partage ses explorations de l’univers des nouvelles sorcières du XXIe siècle.
Avec le premier épisode de sa série, elle nous propose de passer “une journée et une nuit dans la peau d’une sorcière contemporaine” issue du milieu queer. La notion de queer renvoyant à celles et ceux qui s’opposent à la domination des orientations hétérosexuelles.
La plasticienne passée par l’École supérieure des Arts décoratif de Strasbourg s’intéresse depuis une dizaine d’années aux thématiques liées au corps, au genre et à la spiritualité. Pour elle, se sentir ou devenir sorcière, c’est d’abord “se réapproprier l’héritage des femmes brûlées durant l’Inquisition”. Dans Sorcière Queer, le titre du premier court-métrage qu’elle présentait il y a peu à Metz à l’invitation du collectif Lyo.est, elle nous plonge dans le quotidien d’un couple transgenre, se définissant comme un “monstre à deux têtes”.
Une réappropriation de la figure de sorcière
Ils sont aujourd’hui plusieurs, femmes et parfois hommes, l’étiquette de genre étant souvent abandonnée, à se revendiquer sorcières. Ces héroïnes contemporaines sont “des femmes subversives, puissantes et dangereuses pour un pouvoir et une société. Elles sont le trait d’union entre des mondes séparés. Comme celui du politique et du spirituel, ou celui de la culture et de la nature.” Camille Ducellier livre dans sa série documentaire un regard sur le réel. “J’observe des situations à travers des histoires quotidiennes, et non pas avec un savoir livresque ou historique”, souligne-t-elle.
Les cultures sorcières en France
“Les sorcières, c’est plus un mouvement général qu’un réel mouvement construit, même s’il est en train de grandir, constate Camille Ducellier. En 2009, personne ne s’y intéressait. Maintenant, on me contacte pour venir présenter mes travaux. C’est comme s’ils étaient devenus visionnables.” Des œuvres qui font écho à l’émergence d’une culture sous-jacente aux mouvements féministes ou LGBT.
“Cela ressemble à tous les termes renversés aujourd’hui, comme par exemple dans les mouvements queer (“Je suis fier d’être pédé”) ou Black is beautiful. ”
L’art au service des “sous-cultures”
Une exposition de la culture sorcière qui va bien au-delà de la personnification ancestrale issue des contes. Pour dépasser les clichés, l’artiste souligne l’importance de rendre visibles les minorités.
“Je crois que l’art et la culture populaire permettent d’être des supports d’identification. Par exemple, la force des séries télévisées est dans l’introduction de personnages inhabituels : des personnes trans’, racisées, handicapées, avec des corps différents… On sait que cela va avoir un impact artistique sur la société. Sinon, je ne ferais pas ce que je fais.”
Pour elle, il est important de ne pas édulcorer ces personnages pour les rendre plus accessibles, “mais c’est très important que mon travail puisse arriver à des gens qui ne s’intéressent pas vraiment à ces sujets”.
La série documentaire Salvia est toujours en cours de réalisation. Deux épisodes sont tournés sur les six que Camille Ducellier aimerait réaliser. Les sorcières n’ont donc pas fini d’intriguer. De là, à les voir décoller de manière plus mainstream, il ne manque qu’un petit coup de pouce ou quelques pincettes de poussière de fée.