Encore une nuit trop courte. Je me réveille en sursaut. Trempé et assoiffé. Un goût de rouille et de sang sur la langue.
Je n’en peux plus de ces cauchemars. Leurs rires me hantent. Cette odeur me dégoûte. Cette douleur m’est insupportable. Je ne sens plus mes extrémités. Je peine à ouvrir les yeux. Tout est trouble autour de moi. Dans ma tête aussi. Je ne peux pas bouger. Cette roue, quand va-t-elle se décider à tourner ? Je veux que les gens me laissent tranquille. Simplement tranquille. Je pense en avoir assez bavé. Toutes ces vidéos, ces lettres, ces appels, ces articles, ces groupes facebook, ces flashs, ces twitts ou autres. Toute cette pitié ambiante. Cette surmédiatisation puante. Je m’appelle Mambo depuis peu et je suis un vrai phénomène de foire.
Ma vie s’annonçait pourtant bien. Une enfance douce et heureuse. Une voix familière et rassurante. Des caresses. Et puis plus rien. Je me retrouve sur le bord d’une route. Seul, je cherche mon chemin. Je ne connais pas cet endroit. Il me fait peur. Tous ces bruits. Cette foule de voitures. Je me sens oppressé. Où me réfugier ? Je n’ai nulle part où aller. J’arrive dans un petit village. Voyant ces ombres arriver de nulle part, j’aurais dû me méfier… Deux personnes se dirigent vers moi. La jeune fille m’inspire confiance, le garçon moins. Je pensais qu’ils voulaient jouer. J’ai une âme de joueur. Alors je les aie suivis. J’aurais dû m’enfuir mais je n’ai rien vu venir. A deux ans et demi, il est difficile de distinguer le bien du mal. Je vais vite déchanter. Le garçon parle fort. Il sent l’alcool à pleine truffe. Sa copine me tient avec fermeté en rigolant. Il en profite pour vider le réservoir de sa mobylette sur mon corps. La fille lui tend un briquet. Un vrai travail d’équipe. Je ne comprends pas les règles de ce jeu étrange. Il approche la flamme… Je suis en train de brûler. Je trouve pourtant la force de courir. Quelques mètres seulement. Je m’effondre. Puis, plus rien. Je me réveille. Je ne suis pas mort, mais presque. Danny m’a sauvé. Peut-être aurait-elle dû me laisser mourir là. Je ne peux plus me voir en peinture. Je me fous la chair de poils. Et j’ai tellement mal…
Dans tout ce tohu bohu, j’ai inconsciemment fait avancer les choses. Le pays catalan a débuté son JT du soir par mon histoire. Des gens ont ensuite témoigné de toute leur indignation. Manifestations, lettres, dons.. Une question demeure. Pourquoi certains noms ressortent plutôt que d’autres de cette liste d’âmes convaincues et généreuses ? Qui sont Michel Drucker, Zinédine Zidane et Alain Delon ? « Le chien Mambo est sauvé par Drucker, Delon et Zidane », comme on peut le lire sur internet. J’ai perdu le fil. M’ont-ils trouvé à moitié mort sur un trottoir ? M’ont-ils emmené à la clinique vétérinaire ? M’ont-ils fait mes bandages ? Alain Delon m’a envoyé son vétérinaire personnel. Je l’en remercie mais reste tout de même perplexe. Ce médecin a-t-il des super-pouvoirs ? Est-il bien plus fort que les autres ? Et si le corps de Danny, ma nouvelle maîtresse, se trouve un jour brûlé au troisième degrès, Mr Delon lui enverra-t-il son médecin personnel ? Mr Drucker lui enverra-t-il une petite enveloppe pour les frais médicaux ? Si j’en crois certains médias, je suis encore de ce monde grâce à eux alors je les en remercie ! Merci merci ! Si une copine a un problème, je sais qu’elle pourra compter sur vous. Ca lui enlèvera une sacré épine de la patte ! Je ne peux toujours pas tenir sur mes pattes, j’ai pourtant assisté au procès de la jeune fille. Elle va passer ses six prochains mois en prison. Le garçon au briquet, de 6 ans son cadet, sera jugé en décembre. C’est une première dans l’histoire canine…