Six mois d’attente, d’espérance, de doutes, d’oubli parfois… Depuis 182 jours, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, deux journalistes de France 3, sont retenus en otage en Afghanistan avec leurs trois accompagnateurs. En ce triste anniversaire, Reporters sans frontières a organisé une journée de soutien et de mobilisation à Paris.
30 décembre 2009. Après avoir passé trois semaines avec les troupes de l’armée française en Afganistan, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, deux journalistes de France 3, ont décidé d’aller recueillir des informations auprès des populations afghanes, premières victimes de ce conflit. C’est ainsi que, dans la province de Kapisa, au nord est du pays, les deux reporters et leurs trois accompagnateurs ont été enlevés par des talibans.
29 juin 2010. A plus de 5000 kilomètres des vallées afghanes, Reporters sans frontières (RSF) a organisé une journée de mobilisation en leur soutien. «Au bout de six mois de détention, il fallait remobiliser les gens et marquer le coup», précise Jean François Julliard, secrétaire général de RSF. C’est chose faite. Les grilles du jardin du Luxembourg à Paris ont été décorées de deux grandes bâches blanches qui, tout au long de la journée, se sont colorées de messages de soutien. «Tenez bon», «Courage», «On pense à vous» sont les termes qui reviennent le plus souvent, et ce dans plusieurs langues (anglais, allemand, arabe, espagnol). Des centaines de personnes attachées à la défense de la liberté de la presse ont ainsi pris quelques minutes, pour témoigner de leur soutien aux deux journalistes otages. Des personnalités du monde des médias comme Florence Aubenas, Bernard de La Villardière, Edwy Plenel, Audrey Pulvar ou Paul Amar ont également fait le déplacement. «Beaucoup de gens de la profession sont venus. Ça fait du bien de voir qu’il y a du monde derrière Hervé et Stéphane. Je suis sure qu’ils le sentent», indique Elise Lucet, présentatrice du journal de 13H de France 2.
Cette manifestation de soutien était également l’occasion d’offrir de la visibilité aux deux otages, dont les médias parlent peu. De nombreuses personnes de passage ne connaissaient pas l’affaire et pour cause, le ministère des affaires étrangères avait imposé la plus grande discrétion aux familles et à France Télévision, afin de ne pas «faire monter les enchères lors des négociations». Cette stratégie a volé en éclat quand Frédéric Lefèbvre, Claude Guéant et Jean Louis Georgelin ont accusé les journalistes d’avoir été «imprudents» et d’avoir «recherché le scoop a tout prix». Ces déclarations ont scandalisé la profession. «Je suis atérée par ces déclarations. ca montre à quel point ceux qui ont tenus ces propos ne connaissent pas notre métier. L’info ça va se chercher, ça ne tombe pas des nues», s’indigne Anne Niva, grand reporter indépendante. Elise Lucet poursuit dans ce sens : «Sortir des sentiers battus en toute responsabilité, c’est nécessaire pour donner une information juste au public qui nous écoute, nous lit ou nous regarde».
Pour compenser le soutien «frileux» de France Télévision, qui ne rappelle que chaque jeudi la situation des deux otages, la mobilisation continuera. «Tant qu’ils ne seront pas libérés, on inventera des actions pour que le grand public ne les oublie pas». De son côté, le comité de soutien à Hervé et Stéphane, aimerait que soit mentionné quotidiennement le décompte de leurs jours de détention, afin qu’ils ne soient pas «les otages du jeudi», ce que refuse Patrick de Carolis. Elise Lucet, qui dès que possible évoque dans le journal la détention des journalistes, comprend que «les familles aient besoin de cet affichage», tout en n’étant pas sure que la clé de la libération soit là. «Malgré ce dispositif, Jean Paul Kauffman est resté trois ans en détention».
La dernière preuve de vie des deux journalistes remonte au 8 avril dernier, lorsqu’une vidéo des deux otages a été diffusée par les ravisseurs sur le net. Néanmoins, en visite en Afghanistan la semaine dernière, Hervé Morin, ministre de la Défense, a déclaré avoir «le sentiment qu’un dialogue commence à opérer, que ce dialogue nous laisse espérer que nos deux compatriotes pourraient un jour ou l’autre, dans les semaines ou dans les mois qui viennent, retrouver la liberté».
D’ici là, n’oublions pas ces deux journalistes qui, du fond de leurs geôles, défendent la lliberté de la presse.