Yannick Furgal est étudiant en sociologie. Issu de l’université de Metz, il s’est envolé pour le Québec et la ville de Montréal pour y passer le premier semestre de l’année scolaire. Alors Yannick, dis-nous, ils sont comment nos cousins d’outre-Atlantique ?
Pourquoi êtes-vous parti à l’étranger ?
Ça faisait trois ans que j’étais à Metz, et je trouvais que ça commençait à faire long, j’avais envie de voir autre chose. J’avais plusieurs idées en tête, je voulais trouver quelque chose qui puisse « embellir » quelque peu mon CV. Je me suis dit qu’un voyage à l’étranger pouvait permettre cela. Partir dans un pays non-francophone aurait sans doute été mieux, mais je ne me sentais pas capable de suivre des cours en anglais. Alors, je me suis envolé pour le Québec avec la Crepuq (Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec).
Pourquoi le Québec ?
C’était avant tout parce qu’on y parle français. Mais Montréal me tentait vraiment, et ce n’était pas le cas d’autres villes francophones du Canada, de Québec-ville par exemple. Ce qui m’a attiré à Montréal, c’est le fait que ce n’est pas simplement une ville québécoise, mais aussi une ville nord-américaine, au même titre que les villes des États-Unis. J’y trouvais une sorte de compromis entre la francophonie et l’Amérique. Je pense que je n’aurais pas trouvé ça à Québec, qui est une ville plus intimiste, plus européenne au fond.
Des difficultés à s’intégrer ?
Non, pas vraiment. Je pense qu’il est assez facile, pour nous, Occidentaux, de nous acclimater aux différents pays de l’Occident. Il n’y a pas de véritable choc culturel. C’est sûr qu’il ne faut pas arriver ici et faire comme si c’était la France. Mais en observant un minimum ce qui se passe, on arrive facilement à saisir les petites différences, les choses à ne pas faire. Lorsqu’on débarque dans un pays, on fonctionne beaucoup par imitation : il s’agit de regarder les gens, de les écouter et de faire comme eux à certains moments. J’ai su, par exemple, que pour me faire comprendre, je devais mettre certains mots que j’utilisais en France de côté, et en employer d’autres. Si je dis « Ce film m’a saoulé » par exemple, les gens vont sans doute me comprendre, mais vont trouver ça bizarre. Ici on dit « Ce film était plate » ! Après, c’est vrai qu’à l’université j’ai dû m’habituer au système, à ce niveau-là c’est très différent de la France, que ce soit pour les examens, les notes ou encore l’administratif.
Le bilinguisme a-t-il été problématique ?
Le seul problème que ça m’a posé, c’est au niveau du choix de mes cours ; dans certains d’entre eux, il y avait des textes à lire en anglais, et je n’ai pas un niveau suffisant pour comprendre parfaitement des textes théoriques dans cette langue. Mais tout le monde comprend à peu près le français, ici. Je n’ai jamais eu besoin de parler anglais dans un commerce. On parle parfois d’une frontière entre l’ouest de la ville, qui est anglophone, et l’est francophone, mais elle est difficilement perceptible, dans l’ensemble de la ville le français est plus présent que l’anglais.
Quels endroits avez-vous visité ?
J’étais à Ottawa, la capitale du Canada. C’était intéressant de voir cette ville, dans le sens où c’est une vraie ville canadienne, contrairement à Montréal où les gens (les francophones surtout) ne se sentent pas canadiens mais québécois. J’étais également à Québec, une très jolie ville, où l’on parle exclusivement le français. Dernièrement j’étais à New York, ce n’est pas très loin d’ici (600 km à peu près). Difficile de parler de cette ville, et si je devais le faire, j’utiliserais les mots de Louis-Ferdinand Céline, dans Voyage au bout de la nuit : « Figurez-vous qu’elle était debout leur ville, absolument droite. New York est une ville debout. On en avait déjà vu nous des villes bien sûr, et des belles encore, et des ports et des fameux mêmes. Mais chez nous, n’est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s’allongent sur le paysage, elles attendent le voyageur, tandis que celle-là l’Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide, là, pas baisante du tout, raide à faire peur. »
Quelles sont les différences culturelles entre le Québec et la France ?
C’est assez difficile à dire. C’est souvent des détails, des choses dont on ne se rend pas compte. Les Québécois (mais ça peut s’étendre, il me semble, à l’ensemble des nord-américains) n’ont pas la même conception de l’intimité que nous. A l’université par exemple, les professeurs ne ferment pas la porte de leur bureau. S’ils se mettaient à le faire, les gens auraient l’impression qu’ils ont quelque chose à cacher. Mais voilà, ça reste des petits détails. Pour pouvoir remarquer toutes les différences culturelles, il faudrait être en permanence avec des Québécois, vivre avec eux, voir comment ils peuvent être en tant qu’ami, en tant que petit-ami, etc. Je crois que c’est à ce niveau-ci que les différences se font vraiment remarquer. Il est peut-être facile de venir vivre ici pour une courte période, mais il me semble, à entendre les Français qui vivent ici depuis longtemps, qu’il est relativement difficile de s’intégrer véritablement, de faire sa vie ici.