En 2022, les épiceries solidaires ont accompagné 20 % de bénéficiaires supplémentaires en France, selon l’association l’ANDES. A Metz, des personnes aux profils différents ont recours à ce dispositif, du retraité aux mères isolées en passant par les travailleurs précaires.
Nous sommes jeudi, il est 15h15. L’épicerie solidaire Mozart a ouvert ses portes depuis un quart d’heure. Seuls quelques bénéficiaires affluent doucement au sein de la boutique.
Celle-ci propose des produits de première nécessité à un coût réduit. Les produits frais, fruits et légumes sont ainsi payés entre 10 et 30% du prix du marché.
« Cette épicerie s’adresse à des personnes en difficulté financière », précise Sylvie, une des bénévoles. Et contrairement aux apparences et au calme de l’épicerie, « il y a de plus en plus de demandes ». « Sauf que l’on ne peut pas aider tout le monde, tout le temps », regrette-t-elle. L’épicerie accueille actuellement 31 familles, soit 64 personnes.
Ce constat d’une augmentation est partagé par Hervé Kaiser, bénévole à l’épicerie sociale de La Croix Rouge à Metz. En ce moment, le commerce est ouvert une fois par semaine, tous les jeudis après-midis. « En 2022 on ouvrait le vendredi matin pour faire face à l’afflux (768 foyers, soit 1 992 personnes). On ne peut plus faire ça en 2023 (861 foyers, soit 2 313 personnes sur la période du 1er janvier au 31 août). On n’a plus assez de produits », déplore-t-il.
Une personne précaire sur deux n’a pas recours à l’aide alimentaire
Selon une étude du Credoc (organisme d’études et de recherche) publiée le 7 septembre 2023, « une personne sur deux en situation de précarité alimentaire se débrouille sans recours à l’aide alimentaire » en France. Parmi les raisons invoquées, il y a surtout la gêne et la honte de se faire aider.
« Une fois, une dame nous répétait « j’ai honte de venir ». Je lui ai dit que ce n’était pas grave de venir ici et que c’était une situation temporaire », se souvient Hervé Kaiser. « Certaines personnes sont aussi tendues parce que ça leur fait de la peine de venir ici », analyse le bénévole à la retraite. « Mais globalement ceux qui viennent acceptent l’aide alimentaire ».
Car, selon lui, les épiceries sociales et solidaires ne sont pas seulement un moyen d’acheter des produits peu chers. « Les personnes ont aussi besoin d’échanger », estime Hervé Kaiser. Sylvie de l’épicerie Mozart en est également convaincue. « Quand les filles du foyer Mozart et les familles isolées passent notre porte, ils sont contents », se réjouit-elle.
Une évolution des profils des bénéficiaires
Pourtant, au sein de La Croix Rouge, Hervé Kaiser remarque que de plus en plus de retraités franchissent les portes de l’association, souvent parce qu’ils se sentent seuls, et qu’il y a moins de familles. Mais cela, il l’explique surtout en raison de l’emplacement géographique de l’épicerie. Celle-ci se situe « sur les hauteurs de Vallières », un petit village auquel il est difficile d’accéder si l’on n’est pas véhiculé. A contrario, au sein de l’épicerie Mozart, les retraités ne sont pas présents. « On ne peut pas les accepter sans assistante sociale faute de moyens », précise Sylvie.
En termes de produits, des deux côtés, on essaie de proposer de la variété, et surtout des produits frais afin d’aider les bénéficiaires à diversifier leurs repas. Mais là aussi, la situation se complique.
A La Croix Rouge, Hervé Kaiser remarque une pénurie sur les paquets de pâtes. Alors qu’à l’épicerie Mozart, un changement de fournisseur dans une épicerie italienne leur permet d’en avoir beaucoup et régulièrement, en dépit cependant de produits frais. Une pénurie qui oblige Isabelle, la responsable, à mettre la main à la poche et à aller les acheter elle-même. Ce jeudi 21 septembre, elle a acheté des œufs.
Ce manque de produits s’explique notamment par l’inflation galopante de ces derniers mois. Celle-ci contraint des profils divers et variés à demander de l’aide alimentaire. Les épiceries sociales et solidaires n’ont dès lors pas fini de soutenir les plus nécessiteux.
Aurélie Cordonnier, Mathilde Brizion