Le chanvre frère non psychotrope de la marijuana, est une variété de cannabis qui a toujours été présente dans la tradition agricole française, et surtout en Lorraine, coeur de la production de cette plante jusqu’au XIXème siècle. Thibaud Sauvageon, jeune chercheur de l’Université de Lorraine, travaille avec des fibres de chanvre. Le procédé qu’il développe pourrait les rendre aussi fines que celles du coton, mais sans le grand gaspillage d’eau nécessaire pour la production de ce dernier. Les avantages envisagés : Une industrie textile locale, bon marché et respectueuse de l’environnement à base de fibres de chanvre.
Bien que la production textile à partir des fibres de chanvre existe depuis l’Antiquité, les recherches scientifiques pour optimiser ses usages sont très récentes. Dans cette démarche d’innovation on trouve le projet régional LORVER, conduit par un consortium d’entreprises et de laboratoires parmi lesquels, le LERMAB (Laboratoire d’Études et de Recherche sur le Matériau Bois), de l’Université de Lorraine, à Vandoeuvre-lès-Nancy. Ce grand projet consiste à cultiver entre autres du chanvre, de l’ortie et du peuplier sur des friches industrielles. Les objectifs sont multiples : d’une part, les terrains contaminés sont réhabilités par les plantes, qui absorbent les métaux lourds du sol. D’autre part, les métaux lourds sont extraits des plantes pour un nouvel usage. Et finalement, les plantes sont étudiées pour être revalorisées dans l’industrie.
Thibaud Sauvageon, doctorant au LERMAB, est impliqué dans LORVER. Il travaille dans la branche du projet dédiée à l’étude du chanvre contaminé. Un des avantages du nettoyage des sols par cette plante est que les métaux lourds se fixent principalement dans les racines et les feuilles, parties qui n’ont aucun intérêt industriel. Selon Thibaud, les fibres, qui constituent la partie la plus intéressante de la plante, restent propres et peuvent être valorisées à souhait. Celles-ci constituent un très bon matériau pour l’industrie textile, étant données ses bonnes propriétés anatomiques et physiques.
Quelque soit l’usage final donné aux fibres, il faut d’abord les traiter : plus on arrive à les séparer, meilleur sera le matériau final. Pour obtenir des fibres assez fines, les procédés actuellement utilisés sont en général très polluants et consomment beaucoup d’eau, ce qui pose de réels problèmes environnementaux. C’est dans ce cadre que ces travaux réalisés au LERMAB prennent tout leur sens : le procédé proposé pour séparer les fibres de chanvre est un procédé par explosion à la vapeur d’eau. Il s’agit d’un traitement complètement écologique qui n’a besoin ni de produits chimiques, ni de beaucoup d’eau ou d’énergie.
Ce processus, déjà connu pour fractionner des fibres de bois et obtenir de l’éthanol (alcool éthylique), n’avait jusqu’alors jamais été utilisé pour traiter des fibres de chanvre. Cette idée de Thibaud Sauvageon et Nicolas Brosse, son directeur de thèse et professeur à l’Université de Lorraine, s’avère être très efficace : ils ont réussit à obtenir des fibres aussi fines que celles du coton, résultat qui n’était pas évident au tout début du projet.
Actuellement, la texture des tissus fabriqués à base de chanvre est encore rêche et leur fabrication reste assez marginale. Mais avec le développement de ce nouveau traitement, cela pourrait bientôt changer. Ce procédé par explosion à la vapeur améliore tellement la texture des fibres, que l’équipe de recherche parie sur la fabrication prochaine de vêtements fins constitués à 100% de chanvre. Il ne reste plus qu’à procéder à quelques ajustements techniques pour que cela soit rendu possible… Selon Thibaud, cela pourrait être fait d’ici quelques mois seulement. Des vêtements en fils d’or vert lorrain c’est peut être pour bientôt !