Depuis quinze ans, François Carré dirige la librairie « Au Carré des Bulles » au centre de Metz, rue de la Fontaine. Il nous ouvre les portes de son antre, consacré au graphisme.
C’est dans une petite rue reculée, à quelques pas de la bruyante place Saint-Louis, que travaille François Carré. Gérant de la librairie « Au Carré des Bulles », il nous partage sa passion pour les « bouquins ».
En entrant dans la librairie la cloche tinte, pour signifier toute venue. François relève tout de suite la tête et accorde un accueil chaleureux. On comprend tout de suite qu’en franchissant les portes, l’on entre dans un autre univers, bien loin de la vie quotidienne. Le maître des lieux n’a d’ailleurs qu’un seul mantra : faire découvrir et aimer les livres.
« Transmettre la passion de la lecture »
« Transmettre la passion de la lecture ». Tel est l’objectif de cet homme de 44 ans, père d’une fille de onze ans. Quand on lui demande quel est son auteur préféré, il prend le temps de la réflexion et livre son verdict, sans appel : il s’agit de l’écrivain américain Daniel Clowes. Les yeux dans le vague, en pleine réflexion, il explique son choix : « Cet auteur sait raconter la vie de tous les jours, le quotidien », que ce soit au niveau graphique ou narratif. Ce qu’il préfère dans son travail de libraire ? « Quand les cartons arrivent et quand je découvre les bouquins », s’extasie-t-il, cette fois-ci sans hésiter une seule seconde.
Cette passion pour la lecture vient de son enfance. « Il y avait beaucoup de bouquins chez moi. J’ai été baigné par Agatha Christie et Sempé », se remémore-t-il, un sourire aux lèvres. Il lisait surtout des bandes dessinées et avait déjà une appétence pour le graphisme.
François Carré est une personne passionnée par les livres graphiques, calme, qui choisit ses mots avec soin. Faire un tour dans sa librairie, au milieu des couleurs et des livres, est comme une bouffée d’air frais. C’est une parenthèse enchantée, loin de la vie quotidienne et des rues animées de Metz. Cependant rien ne le prédestine à ouvrir une librairie graphique ; c’est après un parcours tumultueux qu’il trouve enfin sa voie.
Devenir libraire : « j’ai su que je voulais faire ça de ma vie »
« Je ne suis pas du tout libraire de formation ». C’est ce que ce père de famille répond du tac au tac quand on lui demande de présenter son parcours. « J’ai suivi une formation en banque, finance et assurance », poursuit-il. Pourtant, même s’il ne prévoyait pas de travailler dans le secteur des livres, il en vient à diriger sa propre librairie graphique.
Après avoir essayé médecine et obtenu un DEUG de droit, François Carré commence une licence en alternance dans le domaine de la finance-assurance en 2000. « J’ai bossé là-dedans pendant deux ans. J’ai été viré d’une boîte, et je me suis demandé ce que j’allais faire », confie-t-il, plongé dans ses souvenirs.
« Puis je me suis rendu compte que je prenais mon pied à conseiller des ouvrages à mes potes quand ils venaient me voir, quand on se retrouvait pour manger ensemble ». Les librairies ne recrutent pas beaucoup, mais il ne se décourage pas. Il estime avoir eu « la chance » de travailler à « La Récré » à Créhange, en 2005. Et il s’en amuse encore aujourd’hui : « je vendais des livres, de la papeterie mais aussi des bombonnes de gaz ».
Après quelques expériences dans le secteur livresque, il se décide enfin à ouvrir sa propre librairie en 2007. Et son local, d’une superficie de 100m2 au total, paraît adéquat. « Ce local-là me semblait chouette, il est un peu décentré mais il y a de l’espace ».
Un lieu plein de vie
Quand on entre dans la librairie, la première chose que l’on remarque, c’est le jeu des couleurs. Les murs et les bibliothèques sont blancs et mis en valeur par de longues lampes dans les coins. Cela attire irrémédiablement l’œil. Mais les livres, les banderoles accrochées aux murs et la décoration ajoutent une touche de couleur bienvenue à l’endroit. A chaque fois qu’on lève la tête, on voit une affiche, comme celle du Festival de Littérature et Journalisme de 2013 collée au plafond. On observe également des cubes suspendus en l’air dans l’espace consacré aux enfants.
Une librairie créée par et pour des passionnés
Et ce lieu réserve encore bien des surprises : à l’étage, en haut d’un long escalier blanc, se trouve une salle consacrée aux ateliers graphisme. Chaque vendredi soir, des passionnés viennent à la librairie et dessinent ensemble autour d’un thème. Les participants ont « une contrainte de thème mais aussi de temps, de lieu et de support », détaille François Carré avec enthousiasme.
Aux murs, des centaines de dessins y sont accrochés. On pourrait passer des heures à tous les observer, tellement ils sont divers et variés. Et, au centre de la pièce, une table rectangulaire occupe l’espace. C’est autour de cette table que se réunissent et échangent les dessinateurs. De quoi créer des liens.
Des liens, François Carré en crée tous les jours : un souvenir lui trotte tout particulièrement dans la tête. Un client, qui vient environ une fois par an dans sa boutique, souhaite alors se faire conseiller des livres. « Je lui ai conseillé des bouquins sur le handicap et à la fin, au moment de payer, il me dit que sa fille est sourde ». « Ce ressenti, cet échange de non-dit », ce courant qui est passé entre le client et lui, le marque beaucoup. Il est ainsi conforté dans sa volonté d’être libraire. Car être libraire, ce n’est pas juste vendre des livres : c’est aussi une expérience humaine.