Il a été comptable dans une autre vie. A 47 ans, Gilbert Nucera, co-fondateur de la ligne Thionville-Philadelphie est aujourd’hui dévoué à la cause des chômeurs.
Gilbert Nucera, ici avec un sans-abri thionvillois
Il a choisi de réunir ses amis dans l’appartement de son « copain » Daniel. Souriant, Gilbert Nucera entame les présentations. Avec lui, il y a sa compagne, Nicole, qui partage sa vie « à mi-temps depuis quinze ans ». Daniel, notre hôte, est concierge depuis un an et demi dans une résidence thionvilloise. Tous les trois ont créé la Ligne Thionville Philadelphie, association qui lutte contre le chômage. Autour de la table, il y a aussi Anita et Catherine, toutes deux à la recherche d’un emploi. Elles ont confiance dans l’association. Gilbert Nucera ne veut pas être sous le feu des projecteurs. Ce combat, « ce n’est pas le mien, c’est celui d’une équipe », explique-t-il. Modeste et altruiste, deux mots qui lui vont bien. Lui qui a été comptable est désormais en invalidité depuis dix ans: « J’ai décider de ne pas travailler pour militer », explique-t-il. La « ligne » représente beaucoup dans sa vie, si bien que Nicole s’y est mise « parce qu’il en parlait tout le temps ».
La rencontre
Gilbert et Daniel se rencontrent au Parti Communiste Mosellan. Ils sont alors des « électrons libres » et s’attaquent à un projet qu’ils nomment « bac à sable » pour créer des aménagement dans le quartier de la Côte des roses à Thionville. Leur projet va aboutir et les deux hommes décident de continuer la lutte ensemble. Le 21 avril 2011, la ligne Thionville-Philadelphie voit le jour après un article dans le Républicain lorrain. « La date du 21 avril est un hasard même si 99% de ce qu’on fait est volontaire », confie Gilbert. Le groupe est « soudé », les membres sont amis. Si Gilbert et Daniel comptent dans le groupe, « Nicole en est la base », ajoutent-ils. Elle est « l’abbé Pierre au féminin », lance alors Anita, 48 ans, au chômage depuis février 2011. Dans la pièce, on sent les émotions de chacun. Ils se respectent, se cèdent la parole, s’écoutent raconter les drames de leur vie. Nicole surprend quand elle confie avoir tenté de se suicider, « le chômage m’a tué », ajoute-t-elle alors. Gilbert souhaite éviter les digressions. On parle alors de son combat « pour les personnes qui n’y arrivent plus ». Ce qui différencie son association des autres, c’est, selon lui, « que sa révolution se fait par les moyens de communication. On arrête les tracts Sur Internet on est beaucoup plus lu ». Cela fait plusieurs mois qu’ils reçoivent chaque candidat à la présidentielle. « S’ils nous utilisent, on peut en faire de même », sourit Gilbert. Ambitieux, ils se sont fixés l’objectif de recevoir Nicolas Sarkozy, sinon quoi il sera « radié des listes du Peuple emploi.»
Lettre de convocation au « Peuple emploi »
Ils ne manquent jamais d’originalité et de créativité. Une lettre, celle du « Peuple emploi », calquée sur celle qu’envoi le Pôle emploi aux chômeurs, est envoyé à toutes les personnalités politiques. Les mots « convocation » et « radié » y figurent, « certains n’ont pas apprécié d’être interpellés comme cela alors que nous, on a ça régulièrement », confie Gilbert. Tous les candidats y ont droit, sauf Marine Le Pen « qui prône un discours de division des chômeurs, raciste », selon les mots de Gilbert. En 2002, c’est en voyant Jean-Marie Le Pen au second tour qu’il a cessé de voter « comme un con » et de vraiment s’engager. Aujourd’hui, il a « radié » la présidente du Front national, ainsi que Nicolas Dupont-Aignan « qui est pareil à elle ». Les actions de la ligne, Catherine, chômeuse depuis dix ans, les voit comme une pièce de théâtre, « détourner des objets du quotidien pour provoquer des situations ». « Mais les acteurs sont les vrais gens », ajoute Gilbert Nucera qui ne souhaite pas que son combat tourne à la dérision. Le collectif doit son nom à « l’esprit de Philadelphie » où des patrons et des syndicats auraient été enfermés ensemble pendant trois mois afin de trouver un accord. Eux ont fabriqué un arrêt de bus et symbolisent leur calvaire par des allusions aux transports.
En avril et mai 2012, Gilbert Nucera votera à gauche. Il est toujours dans la majorité municipale thionvilloise avec le groupe PCF. Sur le chef de l’Etat, il ne dit rien, « personne ne peut faire de miracles ». Toutefois, il est homme de gauche et sa lutte, il continuera à la mener, mais jamais sans ses « copains ».
Anthony Rivat