Née aux Etats-Unis, la gynécologie alternative se fait petit à petit une place en Europe, encouragée par des mouvements féministes tels que GynePunk, en Espagne. Avortement par les plantes, auto-examens, kit de gynécologie “Do It Yourself”, cette tendance a de quoi surprendre les professionnels. Leur avis sur ces pratiques en quatre questions.
1. Pourquoi cet attrait pour la gynécologie alternative ?
Pour justifier la pratique de cette gynécologie “faite maison”, le collectifféministe catalan GynePunk avance notamment l’argument budgétaire. Selon lui, toutes les femmes n’ont pas les capacités financières de consulter un gynécologue. Une explication qui n’est pas pertinente en France d’après Aline Albert, sage-femme au Centre Hospitalier de Toul. La sécurité sociale prend en effet en charge une partie des frais de consultation d’un gynécologue, et la souscription à une mutuelle santé permet d’être remboursé à 100%. Il existe également des solutions pour éviter les dépassements d’honoraires, très fréquents dans la profession. Il est par exemple possible de consulter une sage-femme, habilitée à réaliser des examens gynécologiques.
Pour Camille Jubin, étudiante en dernière année maïeutique à Rennes, cette tendance est une protestation. Elle estime qu’il n’y a pas assez d’informations véhiculées sur la gynécologie, notamment à la puberté. Les adolescentes n’ont parfois personne pour répondre à leur questions sur les règles, la contraception ou l’avortement, car il existe encore un tabou autour de ces thématiques. “C’est quelque chose à améliorer”, concède la jeune femme, “mais [la gynécologie alternative] n’est pas forcément le meilleur moyen pour répondre à ce problème”.
2. Peut-elle entraîner des risques pour la santé ?
Oui, d’après Camille. Toutes les femmes ne sont pas faites de la même manière, rappelle-t-elle. En s’auto-examinant, on peut faire l’impasse sur certaines anomalies ou s’inquiéter pour des singularités qui n’ont rien d’alarmantes. Il est donc nécessaire de consulter un professionnel apte à apprécier la santé du corps de la femme.
En ce qui concerne l’avortement par les plantes, prôné par la militante Poussy Draama, Camille et Aline sont unanimes : il s’agit d’un acte dangereux. Une mauvaise élimination de l’oeuf peut conduire à une hémorragie. “L’interruption volontaire de grossesse ne doit pas être prise à la légère”, observe la sage-femme, “elle doit être encadrée”. Les kits de gynécologie mis au point par GynePunk, qui comportent des outils pour analyser les fluides corporels en vue de détecter une maladie, ne remportent pas non plus l’approbation. “Les frottis et les dépistages doivent être réalisés par des professionnels, sinon on risque de passer à côté de quelque chose.” prévient Aline.
3. Cette tendance peut-elle représenter une menace pour les professionnels ?
Pour Camille, la pratique de la gynécologie alternative n’aura pas d’impact sur la patientèle des professionnels. Leur travail consiste à traiter les pathologies de l’appareil féminin tels que les cancers, infections et autres maladies. Cela nécessite donc des compétences spécifiques qui ne s’improvisent pas. “On ne peut pas remplacer les gynécologues et les sages-femmes”, argue Aline, “c’est comme si on apprenait à se soigner les dents pour ne pas aller chez le dentiste.” Encore méconnu du grand public, elle avance que ce mouvement ne touchera pas la majorité des femmes.
4. Il y a t-il quand même des aspects positifs à retenir ?
Tout n’est pas à jeter dans la gynécologie alternative. Les deux femmes approuvent l’auto-examen, qui permet aux femmes de mieux connaître leur corps et de comprendre comment il fonctionne. Aline valide également l’initiative de Martin Winckler, médecin généraliste qui poste des vidéos sur internet pour répondre à des questions sur la contraception notamment. Pour la sage-femme, il peut être intéressant que les femmes se documentent avant la consultation pour en parler après avec un professionnel. “Tous les moyens sont bons pour s’informer, il faut être acteur de sa santé”, conclut-elle.