Avec la crise, de plus en plus d’étudiants se dirigent vers la vente de cannabis pour assouvir leurs besoins. Un dealer nancéien nous raconte sa propre expérience.
Lumière tamisée filtrant du placard, rap us en musique d’ambiance, pochettes de cannabis disséminées sur le plan de travail. Nicolas, (ndla ; le prénom a été modifié), 20 ans, titulaire d’un bac Scientifique mention très bien et étudiant en troisième année de fac de sciences, nous reçoit de manière enjouée dans son appartement, véritable laboratoire destiné à « produire et vendre de la weed ». Une activité devenue vitale pour lui. Issu d’un milieu modeste, il est boursier et reçoit les Aide Personnalisée au Logement, mais « tout part dans le loyer et la nourriture ». Pour payer sa consommation, ses dépenses quotidiennes, ses projets de voyage et ses loisirs, vendre de la marijuana est une voie qu’il a empruntée naturellement. Il gagne 200€ par mois en « achetant gros, pas cher et en revendant au détail pour (se) faire une marge » et de 300 à 500€ grâce à ce qu’il cultive. Une activité qu’il exerce depuis un an et demi et qui « se généralise lentement, de plus en plus y pensent et certains s’y mettent ».
Il vend environ 20 grammes par semaine, uniquement de l’herbe, « le shit personne n’en veut » assène-t-il. Avec un sourire béat, les pupilles dilatées, il fait coulisser la porte de son placard avec précaution, dévoilant sa principale source de profit. Le teint aussi diaphane que la pâle lumière se diffusant dans la pièce, Nicolas nous explique les rudiments pour ce type de culture. « Le premier truc c’est les graines » certifie-t-il, « il faut des graines féminisées, les seules qui produisent de l’herbe, les mâles c’est du chanvre et ça ne se fume pas, on a déjà essayé… ». Poursuivant avec un rire cynique, il précise que « les graines tu les as comme tu veux, sur Internet c’est plus pratique, c’est légal car ça ne dépasse pas le taux 1% de THC ». .
« T’investis 100€ et t’en récupères 1000 ».
Nicolas s’interrompt pour confectionner son deuxième joint de la soirée. Les bruissements des feuilles à rouler accompagent ses éclaircissements sur la culture d’intérieure. « Au final t’investis 100€ et t’en récupères 1000 ». Selon lui, « le matos est hyper simple à se procurer », « il suffit d’aller à un magasin spécialisé qui propose tout soi-disant pour faire pousser des tomates ou des cactus dans un appart » ironise-t-il.
Des volutes de fumée bleutée s’élèvent vers le plafond et une douce fragrance se répand dans la pièce. Avec un sourire satisfait, Nicolas expose les bénéfices rapportés par son occupation. Il évoque ses clients qui sont « souvent des potes étudiants et des amis proches » et concède qu’il « tient des comptes avec ce que les gens (lui) doivent sinon (il) oublie ». Écrasant son pétard nonchalamment, l’individu particulièrement détendu témoigne que « le meilleur moyen de trouver des clients, c’est d’allumer un stick dans un lieu adéquat et fréquenté puis d’observer qui arrive », « jamais je propose les clients viennent tout seul » avoue-t-il.
« Au dessus de dix grammes, l’erreur est interdite »
Jetant des regards amusés autour de lui tout en pianotant sur son ordinateur, Nicolas s’enthousiasme : « c’est le truc le plus rentable du monde » « beaucoup de gens commencent et très peu arrêtent » constate-t-il avec un énième rictus. S’assombrissant soudainement, il révèle que « la police reste omniprésente, (il) flippe un peu de temps en temps ». Dans la plupart des cas « le flic prend le pochon, l’écrase et le jette » mais il faut éviter « de le cacher sinon il devient hargneux ». Pour les commandes plus importantes, la donne change complètement. « Quoi qu’il arrive tu ne leur donnes pas, au dessus de dix grammes, l’erreur est interdite » gronde-t-il.
Son regard se perdant dans les vertes feuilles de son œuvre, il admet que « parfois (il) devient parano » quand il transporte « des grosses commandes ». La majorité des revendeurs de rue (ndla :plus 100 000 en France), ne savent « absolument pas ce qu’ils risquent pénalement s’ils se font choper, l’échec est présent à l’esprit mais de manière minime ». Pour éluder ce type d’écueils, Nicolas accorde sa confiance à deux amis « qui sont dans le même couloir, ont les clés de l’appart fournissent aux clients s'(il n’est) pas là et mettent l’argent à la place ». « Mes vrais amis je les compte en gramme » s’amuse le dealer en anticipant la musique qui s’échappe des enceintes. Notre étudiant se redresse paresseusement pour rouler un autre stick, balaie du regard les livres entassés à côté des paquets de feuilles et d’un pot de tabac, et professe : « vendre du cannabis, c’est pas encore une addiction, ça va peut-être le devenir, mais le jeu en vaut la chandelle ».