Lors de la dernière édition des Assises du journalisme de Tours, la relation des journalistes de sport au supportérisme a été débattue. Quatre journalistes ont partagé leur vision d’un métier passion qu’ils pratiquent au quotidien.
« On entre dans le sport très souvent par un club, c’est difficile de dire ensuite qu’on n’est plus supporter même si on a une prise de recul », explique Clément Gavard, journaliste pour So Foot. Parce qu’avant même d’être un métier, être journaliste de sport résulte d’une passion. « C’est compliqué quand on devient adulte d’oublier les émotions par lesquelles on est passé. J’avais 12 ans en 1991, j’ai grandi avec l’Olympique de Marseille et quand ils ont gagné la coupe d’Europe, j’étais super content », se remémore Lionel Dangoumau, directeur de la rédaction de L’Équipe. Pour Clément Gavard, qui suit le Stade Rennais au quotidien pour So Foot, il était difficile de parler objectivement de son club de cœur : « À l’époque, je ne m’estimais pas capable de couvrir le Stade Rennais parce que j’étais trop émotionnellement impliqué. Maintenant, j’en suis capable, car, avec le temps, on apprend à combiner les deux côtés. » Une émotion qui doit être contrôlée, mais ne pas totalement disparaître : « C’est difficile d’avoir un rapport au sport froid et sans émotion, ce n’est pas un objet d’analyse comme un autre. Si on enlève cette part d’émotion au récit sportif, il est dénaturé », juge Lionel Dangoumau.
Une distinction entre supporter et fan
La différence entre le terme « supporter » et « fan » a été mis en avant lors de cette conférence : « Il faut faire une distinction entre supporter et fan », explique le directeur de la rédaction de l’Équipe. Clément Gavard constate par moment chez les journalistes et plus particulièrement chez les jeunes une certaine idolâtrie des acteurs : « On ne fait pas un portrait pour être en admiration. On voit parfois des jeunes inexpérimentés prendre des selfies et je trouve ça gênant, on n’a pas à mettre le joueur au-dessus. » Une relation, par moment trop proche, qui peut influer sur le degré d’objectivité du journaliste envers un club ou un joueur. Notamment lorsque le journaliste a en sa possession une information qui risque de déplaire, mais qu’il se doit de partager : « Comment je fais pour avoir une relation suffisamment bonne, mais le jour où j’ai une info qui ne va pas plaire, la sortir quand même. », se questionne Lionel Dangoumau sur le sujet.
Pour Stéphanie Freedmann, journaliste aux Dernières Nouvelles d’Alsace, sa passion pour l’Olympique de Marseille se dissipe peu à peu, mais reste toutefois présente au fond d’elle : « À partir du moment où on passe de l’autre côté, on est moins partisan, mais ça n’enlève pas mon amour de Marseille et du club. » Une opinion partagée par Clément Gavard : « J’ai toujours la boule au ventre avant les gros matchs. Je vais quand même être tendu, avoir une sensation spéciale. Mais ça vaccine surtout contre l’idolâtrie des acteurs, je ne vais plus être fan d’un joueur de foot par contre. »
Une relation à entretenir au quotidien
La couverture journalistique des résultats sportifs est parfois compliquée pour les journalistes qui doivent garder leur regard neutre, mais aussi respecter les attentes des lecteurs. « Les lecteurs attendent de nous certains traitements », analyse Lionel Dangoumau. « Par exemple, on ne comprendrait pas que Grégoire Margotton, qui commente les matchs de l’Équipe de France, s’extasie de la même manière pour un but français que des adversaires. » Dans le football, chaque intervention médiatique est pensée à l’avance. « Créer une proximité peut aussi permettre au joueur de se sentir en confiance. Aujourd’hui, la proximité est très limitée. C’est compliqué d’avoir de la spontanéité et de la sincérité », résume Stéphanie Freedmann. Certains clubs vont même jusqu’à refuser l’accès à certains journalistes, car des articles n’étaient pas à leurs goûts. C’est arrivé à L’Équipe qui s’était vue interdit d’accès au Camp des Loges, le centre d’entrainement du Paris Saint-Germain.