L’association Cresus conseille et accompagne les personnes surendettées. Elle n’a jamais eu autant de travail qu’en temps de crise. Reportage à Metz dans l’une des quatre permanences hebdomadaires.
« J’ai peur, je n’ai jamais vécu ça ». La voix d’Isabelle* est chevrotante, son souffle court. Ses mots, entrecoupés de longs silences, résonnent à travers le haut parleur du téléphone de Pascal Fanara, vice-président de l’association Cresus, spécialisée dans le surendettement. Lui reste muet, à l’écoute ; elle aussi est avare de paroles, tente de contenir ses sanglots.
Le simple fait de raconter son histoire, même de façon anonyme, est douloureux. « J’ai énormément de crédits sur le dos, je suis au chômage depuis peu , et j’ai un gros découvert sur mon compte» confie-t-elle Elle semble à bout de nerfs. « Si la banque comble mon déficit en puisant dans mes indemnités, que va-t-il me rester pour vivre ? Je peux ouvrir un autre compte ? » A l’autre bout du fil, Pascal Fanara, la voix posée, tente de la rassurer. « Voilà ce que vous allez faire, Vous avez 10 euros ? Avec cette somme vous pouvez ouvrir un compte n’importe où, à la banque postale par exemple». « Que va-t-il m’arriver avec ma banque actuelle?» l’interrompt la jeune femme. «Ils vont multiplier les appels, vous harceler pour recouvrir les sommes. Il n’y a rien à faire pour ce mois-ci, Mais le mois prochain, faites migrer vos allocations chômage sur votre nouveau compte. Dès lundi, vous prendrez contact avec notre antenne de Thionville ».
« Vigie »
« C’est un cas typique » commente Pascal Fanara, une fois le téléphone raccroché. « Quand ils nous contactent, les gens sont déjà en bout de course. Harcelés par les huissiers, les sociétés de crédits ou de recouvrement de créances. Ils sont dans un état psychologique difficile, comme cette dame. A la limite de la dépression ». Des dizaines de naufragés de la crise comme Isabelle défilent chaque semaine, dans l’une quatre permanences messines de l’association Cresus. « Nous sommes une sorte de vigie en temps de crise » résume le bénévole. La structure ressent, avec quelques mois de retard, les secousses sociales. « On commence à voir arriver les premiers travailleurs d’Arcellor Mittal, en intérim ou issus de la sous-traitance » témoigne Bernard Chagot, président de Crésus Moselle. Pascal Fenara s’attend à de nouveaux soubresauts dans les prochains mois. « Les effets de la crise, on les vivra dans six mois, un an » prophétise-t-il. « D’ailleurs, de janvier à septembre, nous avons déjà ouverts autant de dossiers que pour toute l’année 2011 ».
13 permanences en Moselle
Pour répondre aux demandes croissantes, l’association a ouvert en septembre deux nouveaux points d’écoute à Thionville et Woippy. Les 44 bénévoles – d’anciens banquiers, avocats, cadres ou chefs d’entreprise – accompagnent les familles dans le montage de dossiers souvent complexes. Leur constat : aucune catégorie de la population n’est épargnée par le surendettement. « Le profil des publics accueillis est bien plus varié que par le passé : jeunes de moins de 25 ans, retraités, victimes de divorces ou de séparations » constate Pascal Fanara. « Chaque semaine apporte son lot d’exemples étonnants . Il y a quelques jours à Borny, j’ai accueilli un prof, contractuel. Après trois ans d’enseignement, il se retrouve sans poste. Il a des crédits à payer, pas encore d’assurance chômage… » Pour tous, le chemin de la reconstruction est difficile mais le bénévole l’assure : des solutions sont possibles. « Faire le premier pas en venant nous voir, est essentiel. Mettre le problème sur la table, c’est commencer à le régler. Les gens arrivent souvent dans un état catastrophique. On leur apporte de la sérénité, ils peuvent recommencer à ses projeter dans l’avenir ».
* Le prénom a été modifié