Permettre aux victimes et aux auteurs d’infractions de communiquer : tel est le but de la justice restaurative. Introduite au code pénal en 2014, cette pratique s’est fait connaître grâce au film Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry. Mais peine encore à se faire connaitre.
La justice restaurative propose aux victimes et aux auteurs d’infractions un espace de parole sécurisé pour évoquer leurs questions, les répercussions de leurs actes et tenter de rétablir une compréhension mutuelle. Ces échanges se déroulent entre les parties impliquées, accompagnées par des médiateurs spécialement formés qui sont présents pour guider la conversation. C’est un processus complémentaire au système de justice pénale, pour lequel les intervenants sont formés et les participants préparés.
Geneviève Volte, victime d’inceste, a elle-même bénéficié de la justice restaurative au début de sa mise en place en France. Cette expérience a été cruciale pour son propre rétablissement, la poussant à se former en justice restaurative. Elle exerce actuellement en tant que facilitatrice en justice réparatrice à l’ARCA, une association de recherche en criminologie appliquée basée à Tours. « Mon rôle est d’accompagner les personnes qui veulent bénéficier d’un parcours en justice restauratrice. Avant la rencontre, il y a toute une préparation qui peut durer parfois un an voire un an et demi. », déclare la médiatrice.
Un outil méconnu pour réparer et réinsérer
Malgré son intégration au droit français en 2014, sous l’impulsion de Christiane Taubira, la justice restaurative demeure sous-utilisée en France. En 2022, seulement 83 programmes de justice restaurative ont été menés sur le territoire français, d’après les chiffres de l’Institut français pour la justice restaurative. Geneviève souligne les défis : « C’est difficile d’en parler et de se faire entendre, surtout dans notre pays, car on n’aime pas bousculer nos habitudes ».
Ce dispositif se distingue en encourageant le dialogue avec les auteurs d’infractions, une approche qui peut contredire les attentes traditionnelles, aussi bien dans le système judiciaire que parmi la population. « On dit souvent que les victimes sont trop fragiles, qu’avec ce programme, on les fragiliserait encore plus. Beaucoup d’avis sont basés sur des idées préconçues. ».
Coup de projecteur pour la justice restaurative
Le film Je verrai toujours vos visages, sorti en mars 2023 et réalisé par Jeanne Herry, a touché le cœur des cinéphiles français avec son casting de renommée et son exploration profonde de la justice restaurative. « Le film est une belle réussite. La réalisatrice a fait un gros travail de terrain avec nous », témoigne Alexandra Mariné, chargée de communication de l’Institut Français pour la Justice Restaurative (IFJR).
Avec plus d’un million d’entrées, ce film a levé le voile sur ce dispositif, inscrit dans la loi depuis une décennie, mais demeuré largement méconnu du grand public. « Nous avons eu beaucoup de retours grâce à ce film. À la suite de sa sortie, nous avons eu près de 650 demandes de bénévoles et d’informations. Il a sensibilisé de nombreuses personnes à la justice restaurative et son impact perdure », précise Alexandra.
Les approches belge et écossaise comme modèles
Pour promouvoir le développement futur de la justice réparatrice en France, L’IFJR explore diverses pistes, notamment la création de services dédiés en collaboration avec les autorités judiciaires, à l’instar du modèle belge. L’organisation envisage également la possibilité d’étendre l’accès à cette pratique, même sans le dépôt préalable d’une plainte, s’inspirant ainsi de l’approche écossaise, afin d’élargir son impact de manière inclusive. « Ce sont des pistes qui pourraient permettre de lever certains freins au développement de la justice restaurative dans notre pays », estime-t-on du côté de l’IFJR.
Sandra Lochon