La La Land, comédie musicale initiée par Damien Chazelle (réalisateur) et Justin Hurwitz (compositeur) sort du cadre du cinéma. Le vendredi 20 octobre, à la Rockhal du Luxembourg, le ciné-concert n’a pas fait honneur à l’oeuvre originale. Retour sur cette représentation et sur ce genre de spectacle.
Les ambitions du projet sont pourtant tout à fait louables. Dépasser le postulat du film et des enregistrements studios pour emmener La La Land plus loin. Dans un entretien accordé au magazine américain Variety, Damien Chazelle déclarait que « l’une des choses les plus excitantes et profondément satisfaisantes en faisant La La Land, c’était de faire un film avec un orchestre live : une centaine de musiciens locaux jouant en temps réel […] pour amener à la vie les compositions de Justin [Hurwitz] ». Pour l’édition de l’Hollywood Bowl à Los Angeles, le contrat semble avoir été plus que rempli. Un ciné-concert véritablement travaillé comme en témoigne la vidéo ci-dessous.
Les raisons d’un échec
L’édition du Luxembourg avait du mal à atteindre la perfection des enregistrements originaux. C’est d’ailleurs bien cela qui lui a fait défaut. Selon filmconcerts.be (filiale du groupe Gracia Live en charge des ciné-concerts La La Land au Luxembourg, en Belgique et aux Pays-Bas), « les premières représentations de « La La Land In Concert : A Live-To-Film Celebration » auront lieu […] au Hollywood Bowl […] les 26 et 27 mai. La production entamera ensuite une tournée mondiale ». En jouant habilement sur les mots, le site belge nous vend un spectacle identique à celui de Los Angeles. À la différence que les ambitions de La La Land au Luxembourg étaient bien inférieures.
Si l’on peut tolérer un rendu qui manque d’ampleur lors de certaines scènes (l’orchestre étant réduit à une cinquantaine de musiciens contre le double pour les enregistrements originaux et le ciné-concert à l’Hollywood Bowl), d’autres points sont rédhibitoires. Entre autres, des fausses notes, des écarts de rythme qui diluent le charme de certaines scènes et un enrobage scénique paresseux. Ici, La La Land n’est pas sublimé, mais amoindri.
Des problèmes intrinsèques aux ciné-concerts
Jean-Marc Illi, docteur en musicologie à l’Université de Lorraine, a déjà abordé le sujet des ciné-concerts avec Vladimir Cosma, grand compositeur français qui a notamment travaillé sur Les Aventures de Rabbi Jacob et La Boom. Selon ce dernier, l’exercice est compliqué pour deux raisons. « D’abord synchroniser [la partition et le film] parce que le chef d’orchestre n’est pas un robot. » Ensuite, parce que ces musiques ont souvent fait « l’objet d’un mixage, ce qui les rend difficilement jouables en direct ou sans artifices particuliers ». Sur ce point, Jean-Marc Illi ajoute que l’« on ne peut pas forcément rejouer en direct ce qu’on entend sur un disque […] ne serait-ce que pour des raisons techniques, de réverbération ».
Dans ce cas, comment aboutir à un ciné-concert de qualité ? Le docteur en musicologie apporte un autre argument de Vladimir Cosma : « pour jouer en concert une musique, je suis obligé de faire un travail de réorchestration ; et ça ne trahit pas forcément la musique de départ. » Les choix artistiques doivent donc êtres radicaux : tendre à une réinterprétation de l’œuvre musicale ou mobiliser le nombre de musiciens nécessaire pour porter une partition d’envergure. La La Land au Luxembourg a tenté de s’inscrire dans la seconde catégorie sans jamais y parvenir.
Alexis Zema