Mardi 31 janvier, la deuxième manifestation contre la réforme des retraites s’est tenue à Metz, rassemblant entre 12 et 16 000 personnes. Une mobilisation réussie pour les syndicats, illustrée par la présence de primo-manifestants.
Les manifestants trépignent, les premiers pétards et fumigènes colorent le ciel. Il reste moins d’une demi-heure avant que le cortège contre la réforme des retraites s’élance de la place Mazelle à Metz. A peine 10 000 lors du premier rassemblement le 19 janvier, ils sont bien plus nombreux mardi 31 janvier, entre 12 000 selon la police et 16 000 l’intersyndicale. “Les rouges vous êtes là ? Les bleus vous êtes là ? Les oranges vous êtes là ?” crache un homme au mégaphone, invectivant les manifestants aux couleurs de la CGT, de la CFCT et de la CFDT.
Loin des dossards colorés des syndiqués, certains occupants de la place restent en retrait et observent, comme en terrain inconnu. Victor, 35 ans, est l’un d’eux. Sans pancarte ni drapeau, il est adossé à l’un des murs qui longent le parvis. Comme d’autres, Victor semble simplement observer le tumulte qui règne. “Je suis loin d’être un manifestant dans l’âme”, explique celui qui, “pour une fois”, est descendu dans la rue.
Pas habitué aux défilés, il est l’un de ces membres isolés qui composent les manifestations. Il a décidé de passer son après-midi en fin de cortège puisqu’il ne souhaite pas chanter les slogans des syndicats, ni porter leurs pancartes revendicatrices. “Je suis là aujourd’hui contre la politique d’Emmanuel Macron et non à l’appel de la CGT”, prévient le trentenaire. Pour cet éducateur sportif, c’est clair : “je manifeste car je pense à mon futur donc je réponds à mon propre appel”.
Des manifestants “sans étiquette”
Guillaume est lui aussi juste devant la voiture-balai, au bout des 2 kilomètres de cortège. “Je suis un manifestant sans étiquette” explique ce messin, venu en solitaire. “Je ne fais pas toutes les manifestations parce que certaines me semblent moins évidentes mais celle-là, elle l’est”. En recherche d’emploi dans le secteur du jeu vidéo, il craint qu’un recul de l’âge de la retraite ne soit la porte ouverte à d’autres réductions des droits sociaux. Sa présence exceptionnelle illustre le caractère fédérateur de cette grève qui rassemblent tous les horizons professionnels. Au soir de cette journée de mobilisation suivie par 1,2 million de manifestants, 64% des Français soutiennent le mouvement, selon un sondage de l’institut Elabe.
Première manifestation ou presque
Pour Olivier, agent de la fonction publique, l’enjeu est tel qu’il s’est décidé à battre le pavé : “je peux compter sur les doigts de ma main le nombre de manifestations que j’ai faites dans ma vie”. Après avoir participé à un mouvement social “pour la première fois avec les Gilets Jaunes”, le quinquagénaire a ressorti l’habit fluorescent du placard. “Pas le choix. Il faut se bouger pour ceux qui auront des métiers pénibles jusqu’à 64 ans”, lâche-t-il, excédé.
Avec son long et élégant manteau, Elisabeth détonne dans le cortège. D’autant plus qu’elle est retraitée. Si 56 % d’entre eux n’adhèrent pas aux manifestations, toujours selon un sondage Elabe, la messine trouve que “cette mobilisation est une évidence”. Elle y participe même aux côtés des actifs, à la différence près qu’elle ne se dit pas manifester mais plutôt “défiler”. “Comme je travaille plus, c’est la première fois que je peux venir en manifestation”
sans faire grève, glisse-t-elle.
Elisabeth, qui pense à ses petits-enfants, souhaite que “personne ne soit condamné par cette réforme, surtout les générations futures”. D’ailleurs, les lycéens et étudiants sont présents en nombre mardi. A peine majeurs, un groupe d’amis scandent pour la première fois des slogans “Anti-Macron, anti-retraite« . Pour l’intersyndicale, la démonstration de force est réussie. Après le succès de cette grève mobilisant habitués comme novices, deux nouvelles journées d’action ont été annoncées les 7 et 11 février prochain.
Morgan Kervestin