La conférence « Label ou autorégulation, comment certifier l’info ? » s’est déroulée mardi 29 mars à l’occasion des Assises Internationales du Journalisme de Tours. Benjamin Sabbah, photojournaliste et directeur général à Worldcrunch, Kathleen Grosset, présidente du Conseil de Déontologie Journalistique et de Médiation (CDJM), Thibaut Bruttin, directeur adjoint de Reporters sans Frontières (RSF) et Pascal Doucet-Bon, directeur délégué de l’information en charge de la stratégie France Télévision se sont interrogés sur enjeux de la régulation de l’information. Ces initiatives sont-elles efficaces ?
L’autorégulation et les labels, une réponse à la désinformation
« On veut tous une information de qualité et regagner la confiance du public », affirme Kathleen Grosset, présidente du CDJM. Elle fait allusion à la défiante grandissante de la population envers les médias. Depuis plusieurs années, l’offre médiatique ne cesse de s’élargir. Les algorithmes des réseaux sociaux y participent : les idées les plus polémiques y sont favorisées au détriment des propos fiables. Face à ce constat, l’enjeu de la certification des médias devient une arme de lutte contre la désinformation.
Pour permettre au public de distinguer les informations vérifiées de celles tout ou en partie fausses, des organismes de régulation ainsi que des certifications voient le jour. C’est le cas du Conseil de Déontologie et d’Ethique du Journalisme (CDJM) et du label « Journalism Trust Initiative » (JTI)
Fondé en 2019, le CDJM est une instance de médiation entre journalistes, éditeurs et publics volontaires. Lorsqu’un contenu journalistique ne semble pas conforme aux règles du métier, le conseil peut être saisi. En s’appuyant sur des chartes relatives aux métiers, il se prononce de façon collégiale sur l’existence d’un problème éthique.
Le label JTI est mis en place en mai 2021 par l’ONG internationale Reporters Sans Frontières (RSF). Il s’agit d’une certification distribuée aux médias dont le travail correspond à la rigueur du travail d’un journaliste. A terme, ce label se veut être reconnu comme un critère de confiance auprès du public.
Des initiatives qui se heurtent à l’absence de consensus
La profession est traversée par de nombreux désaccords quant à la manière dont il faut réguler les contenus. « Il y a un risque de conflictualité entre des initiatives qui visent à réguler la profession », avance le directeur adjoint de RSF, Thibaut Bruttin. « Historiquement, le CDJM arrive après tout le monde et cela fait une régulation de plus à laquelle il faut se plier alors que nous devons déjà en respecter beaucoup », partage le directeur délégué de l’information en charge de la stratégie France-Télévision, Pascal Doucet-Bon. « Toutes les initiatives sont bonnes à prendre », réplique le photojournaliste Benjamin Sabbah, directeur général du média Worldcrunch. La difficulté à faire connaître l’existence de ces labels s’ajoute à ces désaccords. « L’AFP a communiqué sur GTA. France 2 y adhère et participe, mais la communication auprès du grand public reste complexe. C’est un une démarche qui se fait uniquement d’entreprise à entreprise », déplore Pascal Doucet-Bon. « Le plus important est d’avoir des bases communes les plus internationales possibles », conclue Thibaut Bruttin.
Le photojournalisme et ses problématiques spécifiques
La précarisation de l’activité des photojournalistes est corrélée avec les innovations technologiques. L’arrivée du smartphone offre au grand public la possibilité de prendre des photos correctes et quasi-gratuitement. Les journalistes saisissent aussi cette opportunité pour prendre aux-même leurs photos, sans passer par des photojournalistes. Nombreuses sont les rédactions qui se contentent aujourd’hui de ces images à moindre frais. « Le JPEG fait autant de mal à l’image que ce que le MP3 en a fait au son », regrette Benjamin Sabbah. Le nombre de photojournalistes a été divisé par deux en l’espace de 10 ans. Ces observations témoignent de la précarisation toujours plus importante du métier. Si c’est le secteur du journalisme dans son entièreté qui est concerné, les photojournalistes subissent cette double peine. Le label Pix.T voit le jour dans le but de limiter les utilisations abusives d’images par les rédactions.
Benjamin Sabbah, directeur général du média Worldcrunch nous en dit plus sur ce projet :
Elie Polselli et Manon Delassus