[Diaporama sonore]
Au détour de la rue de la chèvre, une enseigne dénote dans le paysage des magasins messins. Dans cet espace abrupte et bétonné, tout un univers a été créé pour accueillir le collectif d’artistes de la Vitrine Éphémère. Dans cette galerie d’exposition-vente : peinture, sculpture, mobilier ou encore photographie s’entremêlent et suscitent la curiosité des passants, de la vitrine jusqu’à l’arrière-boutique. Et c’était là tout l’enjeu : lutter contre la désertification des centres-villes et démocratiser l’art, tout en offrant de la visibilité aux artistes.
Derrière le comptoir, elle nous invite à franchir le pas. Lunettes sur le nez, tatouages du cou jusqu’aux poignets, l’oeil enjoué, Emmanuelle De Rosa assure sa permanence à « La Vitrine ». L’artiste plasticienne, autodidacte depuis une dizaine d’années, profite du vide-atelier pour s’exposer avant de renouveler ses collections. Ici, impossible de passer outre ses oeuvres au style bien trempé. Têtes de mort, gibiers empaillés, squelettes déguisés, yeux dormeurs, crucifix détournés sont sa signature. Elle les appellent « cabinets de curiosité », « bondieuseries », « tableaux » ou encore « bidules et machins ».
Pour cette artiste engagée, l’art est une façon de s’exprimer, de manière décomplexée, au sein d’une société aux multiples dérives, dans laquelle elle se sent « inadaptée ». À travers ses créations, Emmanuelle De Rosa aborde différentes thématiques. Par exemple, la religion : « Je règle mes comptes avec la religion à travers mes oeuvres ; lorsqu’elle s’invite dans l’espace public, c’est le merdier ». Ainsi, on retrouve dans son travail, des références à la sous-culture, des associations cyniques et détournées, mêlant religion et icônes du capitalisme ou encore de la surconsommation. Il s’agit encore de dénoncer « une société atroce ». En utilisant des animaux empaillés et des squelettes recomposés, l’artiste fait savoir : « C’est ma façon à moi de dire : arrêtez cette folie d’élevage industriel, de la chasse, d’animaux sous perfusion… ».
Pour faire passer ses messages, la plasticienne use de codes et langages universels. À quelques rues de La Vitrine, son espace personnel fait office de lieu de vie et d’atelier de création. Entre diverses sources d’inspiration, accrochées du sol au plafond, des milliers d’yeux fourmillent ici et là. Une marque de fabrique qui renverse les codes de l’art : « C’est le tableau qui nous regarde. Pour fermer ses yeux, on est obligé de le toucher. Le crime de lèse majesté ! » s’amuse-t-elle, assise sur son prie-dieu. Une véritable invitation à l’interaction. Entrez donc…
Réalisation : Emma Georges & Chloé Gaillard