Reynald et Vincent sont tatoueurs de père en fils à Strasbourg au salon Asphalt Jungle. Deux générations, deux visions, deux évolutions. Le métier de tatoueur s’est progressivement démocratisé dans notre société, et notre rapport à cette pratique a beaucoup évolué ces vingt dernières années. Mais le tatouage relève-t-il de l’art ou de l’artisanat ?
Reynald commence à tatouer alors que cet univers est très marginalisé. Il exerce son travail à l’arrière des bars ou des salles de concert. Il doit maîtriser tous les styles : aussi bien l’art tribal que le old school en passant par un style plus japonisant. Il ouvre, non sans mal, son premier salon de tatouage grâce à l’une de ses clientes de l’époque, agent immobilier.
Aujourd’hui, un aspirant tatoueur commence par constituer un book, c’est-à-dire un recueil de ses meilleures réalisations, qu’il présentera à plusieurs salons. S’il est pris par l’un d’eux, il commence alors un apprentissage plus ou moins long en fonction de sa capacité à acquérir la technique du tatouage. Ses premières tâches seront de s’occuper des dessins préparatoires et de tatouer les petites pièces qui ne requièrent ni beaucoup de temps ni beaucoup d’expérience. Si l’apprenti fait ses preuves, il commencera petit à petit à se créer un style, à se faire connaître et à agrandir son réseau.
« Au niveau du maître, c’est quand même vachement plus facile d’en avoir un. Tu gagnes un tremplin. Au niveau de l’artisanat, tu as tout de suite les bons outils. Sinon, c’est comme si tu te lançais dans la métallerie, la menuiserie, l’ébénisterie tout seul… C’est un peu galère ! » insiste Vincent. Asphalt Tattoo est un salon privé, intimiste. L’apprentissage est plus long qu’au sein d’un gros salon, appelé Street Shop. Mais il permet à l’apprenti tatoueur de prendre son temps pour affiner sa technique.
Un rapport au client privilégié
Alors que des pétitions circulaient pour que le tatouage soit considéré comme un métier d’art, Reynald et Vincent se sont tenus à distance. Certes, le tatouage nécessite un grand sens artistique mais reste un métier artisanal selon eux. « Un tatoueur doit obéir à une commande. A la base, c’est quand même ça, t’as un cahier des charges et tu le remplis, c’est comme un forgeron, un ferronnier d’art ou un orfèvre. » précise Vincent. Le tatoueur doit répondre à la demande d’un client et ne peut, comme un illustrateur, faire tout ce qu’il désire en suivant ses envies artistiques. Le fait que leur matériau soit du vivant, une peau humaine, leur donne énormément de responsabilité. C’est cela qui les empêche de se penser uniquement artiste.
Le rapport avec le client est donc primordial. Notamment lors des rendez-vous préparatoires qui sont des phases fondamentales pour « créer un moment ». C’est-à- dire établir toutes les bases pour que l’encrage du motif sur la peau soit mémorable. « Les gens se confient à toi, se livrent à toi complètement » ajoute le jeune tatoueur. Pour lui, le principale est que le client reçoive « un bon service ».