Mardi, s’est tenue la deuxième journée de mobilisation nationale contre le projet de loi sur les retraites à Metz. Parmi les manifestants, une quarantaine d’archéologues faisaient entendre leur voix.
Rachelle a mis des bouchons d’oreilles en prévention de plusieurs heures de marche dans le cortège de la manifestation contre la réforme des retraites. Entre les tambours, les cris et les pétards, le bruit est assourdissant sur la place Mazelle à Metz. Elle et ses collègues archéologues sont à nouveau dans la rue, mardi 31 janvier. Ce métier, c’est une passion pour cette mère de 45 ans.Mais c’est aussi un métier physique où le corps est sans cesse sollicité. “Avec la pénibilité de notre métier, on ne sait pas du tout si on sera capable à 60 ans de se mettre à quatre pattes dans la boue”, confie-t-elle.
Thomas, de seize ans son cadet, craint déjà les dommages physiques que provoque le métier. Alors avec une réforme qui repousse l’âge de départ à la retraite de deux ans, c’est tout bonnement inimaginable pour le jeune homme de continuer à travailler aussi tard. Et quand on lui demande comment il s’imagine dans quelques décennies, il tourne simplement la tête vers ses collègues plus âgés. Certains, qui devraient bientôt partir à la retraite, sont présents aujourd’hui. “On essaie de les arranger pour qu’ils soient plus souvent dans les bureaux que sur le terrain. Mais ce n’est pas tout le temps possible”, s’attriste-t-il.
Marie-Pierre a fêté ses 55 ans cette année. Il lui restait encore sept années à travailler pour pouvoir toucher sa retraite. Alors ses 62 ans, elle les attendait avec impatience. “J’ai toutes les maladies ostéo-articulaires que l’on peut avoir. Toute la colonne vertébrale, les genoux, les hanches, les poignets, les coudes et tout ce qui est tendinites et compagnie. Après, tout le monde n’est pas touché par toutes ces pathologies, mais il arrive un certain âge où on est fortement abimé.” Sylvie, elle, a seulement 44 ans et connait pourtant déjà bien une partie de ces soucis physiques. “J’ai des problèmes articulaires, des rhumatismes, etc., parce qu’on travaille par tous les temps et toute l’année dehors”.
Un déficit de main-d’oeuvre
Impossible de se faire remplacer quand leur dos les fait trop souffrir, quand leurs hanches ne leur permettent plus d’avancer correctement, quand leurs épaules n’arrivent plus à supporter la charge à cause d’une tendinite. “On alterne les phases archéologiques avec les phases de bureau, mais l’un dans l’autre, ça fait beaucoup de terrain” se plaint Marie-Pierre. La cause est simple selon elle. “Il n’y a pas assez de renouvellements, pas assez d’embauches”.
En France, la majorité des archéologues font partie de la fonction publique. Fin 2021, selon l’INRAP, l’Institut National des Recherches Archéologiques Préventives, ils étaient plus de 2 200 à faire ce métier en France. Mais les archéologues français sont vieillissants, d’après Marie-Pierre. “Comme tous les services publics. On est en déficit de personnel” assène-t-elle.
Une pénibilité en attente de découverte
Pourtant, cette profession n’est pas considérée par le gouvernement comme présentant des risques. Des mesures d’anticipation seraient les bienvenues. Indignée par ce manque de reconnaissance, Marie-Pierre s’arrête un temps de suivre le cortège pour s’exprimer. “On coche plein de critères de pénibilité : l’exposition au climat, aux intempéries, aux maladies”. De conditions qui ne sont pas encore pris en compte par le gouvernement.
Alors Marie-Pierre devra-t-elle continuer à se baisser pour fouiller le sol jusqu’à ses 64 ans si la réforme est adoptée ? La question ne devrait même pas se poser selon elle :“Physiquement, c’est juste impossible !” Alors pour chacun d’entre-eux, pas question de faire concurrence aux vestiges sur lesquels ils travaillent.
Anna Mazzer-Pirodon