Il y a moins d’un mois de cela, le géant Microsoft annonçait qu’il allait recruter dix autistes pour son siège américain. L’annonce s’est faite le 2 avril, lors de la Journée Mondiale de Sensibilisation à l’Autisme, laquelle était consacrée à la thématique de l’emploi. Une décision qui ne laisse personne indifférent. Encore moins les entreprises basées en France, qui sont vivement  encouragées à intégrer les autistes, qui ont beaucoup à apporter.

Et si demain chacun d’entre nous avait un collègue autiste ? L’idée, bien qu’enthousiaste, nécessite encore beaucoup d’efforts au niveau national, comme dans d’autres pays d’Europe. L’autisme est un handicap qui reste très méconnu de la part de la société. Les peu de fois que l’on aborde le sujet, c’est pour traiter des méthodes de prise en charge, de la scolarisation et de tout ce qui concerne l’univers des enfants. Pourtant, il existe une catégorie assez importante qui reste lésée: les adultes autistes. Il n’y a pas de chiffres exacts concernant l’emploi des personnes autistes en France, mais ce dont on est sûr, c’est que très peu d’entre eux réussissent à décrocher un emploi, en comparaison avec d’autres pays européens. Notamment la Grande-Bretagne qui affiche un taux de 18% d’insertion professionnelle d’autistes.

LE MODE DE RECRUTEMENT : UN OBSTACLE DE PLUS POUR LES AUTISTES

Une situation loin d’être honorable, mais qui incite à se poser les bonnes questions. Il reste que ce que l’on appelle le spectre autistique est très hétérogène, avec différentes formes qui font que chaque personne autiste peut avoir des caractéristiques propres à elle. Ce sont les difficultés relationnelles qui sont les plus fréquentes, ce qui ne facilite pas l’insertion professionnelle. Ces difficultés apparaissent dès le processus d’embauche. Selon Aurélie Baranger, directrice de l’Association Autisme Europe, « le système de recrutement ne convient pas aux personnes autistes parce qu’on leur demande de se vendre, alors qu’il serait préférable d’aborder les tâches susceptibles de les intéresser lors de l’entretien d’embauche». Même quand le recrutement se fait, l’entreprise doit fournir l’effort de faciliter l’intégration des personnes autistes. Car pour le secrétaire général de la Fondation Autisme, Antoine Colin-Goguel: «Leurs difficultés relationnelles peuvent affecter la capacité qu’ils ont à assimiler les attentes des employeurs et à communiquer avec leurs collègues». L’entourage professionnel est appelé à assister les personnes autistes et les aider à s’intégrer, comme le souligne Mme Baranger. Pour cela, les firmes sont les premières à être sensibilisée.

LES AUTISTES, CES EMPLOYÉS ASSIDUS

La sensibilisation de l’entreprise doit se faire aussi bien au niveau relationnel que logistique. Les structures doivent être adaptées aux besoins des personnes autistes. « Les déficits de la fonction exécutive et l’hypersensibilité aux stimuli sensoriels, tels que les sons et les lumières, dont souffrent certaines personnes avec autisme peuvent représenter une difficulté supplémentaire pour obtenir ou maintenir un emploi », explique Patricia Howlin, professeur de psychologie clinique de l’enfant King’s College de Londres, dans un rapport de l’Association Autisme Europe. Des obstacles qui peuvent rendre la firme sceptique à l’idée de recruter un autiste. D’où la stigmatisation qui est toujours aussi présente dans ce milieu. Pourtant, les personnes autistes ont beaucoup à offrir à l’entreprise. Il a été reconnu par plusieurs organismes spécialisés que les autistes avaient des compétences inestimables telles qu’un niveau élevé de concentration, un faible taux d’absentéisme et une mémoire remarquable.

LE RESTAURANT ATYPIK, UN MODÈLE A SUIVRE

D’ailleurs, il existe en France des associations qui en ont conscience et qui font du droit à l’emploi des autistes un véritable combat. Parmi elles, La Compagnie des T.E.D basée à Grenoble. A travers le restaurant Atypik, qu’elle possède depuis un an et demi, celle-ci essaie de montrer l’exemple en intégrant des autistes dans son équipe. Ils peuvent ainsi mettre les mains à la pâte et montrer ce dont ils sont capables. « On tourne avec deux trois stagiaires ou bénévoles autistes. Mais c’est un peu particulier parce que les quinze jeunes qui font partie de l’association peuvent donner un coup de main ponctuellement», affirme Muriel Sauguin, présidente de l’association La Compagnie des T.E.D. Les jeunes concernés se chargent de faire le service au restaurant et de la relation avec la clientèle.  De véritables situations professionnelles. En plus de ces tâches générales, le restaurant donne la possibilité aux jeunes autistes de mettre à profit les compétences spécifiques qu’ils auraient. « On a un jeune autiste qui fait partie du Conseil d’administration, il s’intéresse beaucoup aux banques et aux modèles alternatives, donc il met sa compétence à notre service », ajoute Muriel Sauguin. Cela confère à ces jeunes une expérience à faire valoir dans leur CV. Une expérience qui en plus de leur ouvrir une porte pour le monde du travail prouve qu’ils peuvent s’en sortir s’ils sont bien accompagnés. A ce sujet, Muriel Sauguin estime qu’il est important de favoriser le contact entre les neurotypiques et les autistes, afin de changer la perception souvent négative dont ils peuvent souffrir. Et pour aller plus loin, l’association prévoit d’organiser l’année prochaine des sessions de formation à destination de professionnels de tous bords et d’écoles qui souhaiteraient en savoir plus sur l’autisme. Ces sessions viseraient , en outre, à montrer les avantages que peuvent constituer le recrutement de personnes autistes.

MICROSOFT ET SPECIALISTERNE

Microsoft a annoncé son nouveau programme pilote d’emploi. Le but est d’embaucher dix personnes autistes à temps intégral pour sa filiale de Redmond, aux États Unis. Dans son discours, Mary Ellen Smith, vice-président de Microsoft et mère d’un jeune autiste, explique que cette initiative renforce l’encouragement à la diversité. « Les personnes autistes apportent des forces dont nous avons besoin », a-t-elle annoncé. «Chaque individu est différent, certains on une capacité incroyable à retenir des informations, réfléchissent à un niveau élevé de détail et de profondeur, ou excellent en mathématique ou en programmation informatique». Le géant d’informatique lance son programme en partenariat avec Specialisterne, société danoise dont la majorité d’employés sont diagnostiqué autistes. Celle-ci fournit des services tels que le test de logiciels, la programmation et la saisie de données pour de grands groupes. Elle se charge aussi d’aider et former les personnes autistes pour qu’elles s’intègrent plus facilement dans le marché de travail.