Depuis plusieurs semaines, des groupes de militants sillonnent Metz la nuit pour coller des slogans contre les féminicides. Ces messages interpellent et questionnent la population locale, plutôt favorables à ces actions.
“Je ne sais pas si ça changera quelque chose mais c’est mieux que rien”, concède David. Sur le mur auparavant vierge qui lui fait face, quatre mots en majuscules rouges et noires : “Papa a tué Maman”. Les auteures du message ne s’attardent pas, de peur d’écoper d’une amende. Les seaux de colle, les pinceaux et les feuilles A4 disparaissent dans leurs grands sacs de courses posés à même le bitume. Les “colleuses’ reprennent leur route en quête de l’emplacement idéal pour poursuivre leur lutte.
Ce vendredi soir, une dizaine de membres de l’association Osez le Féminisme 57 organisent leur deuxième campagne d’affichage sauvage dans les rues de Metz contre les violences faites aux femmes. Le phénomène a été inspiré par Marguerite Stern, une ancienne Femen dont les collages, devenus viraux sur les réseaux sociaux, ont été repris dans toute la France. Des phrases claires toujours, des messages chocs souvent, qui ne laissent pas indifférents.
Un air d’“Omar m’a tuer”
Sur leur passage, certains riverains s’arrêtent, interpellés par l’agitation. Quand, pour Clara « ça sensibilise forcément », pour François « Ça fait penser à “Omar m’a tuer”, ça choque ». « C’est bien, ça ne me dérange pas, vous avez tout à fait raison », les encourage Christophe devant “Stop féminicides”, fraîchement posé. Comme beaucoup d’hommes croisés ce soir-là, il ne se sent pas directement concerné par ces alertes. Il espère cependant que cela puisse faire changer les mentalités, « en particulier faire comprendre aux femmes concernées que ce qu’elles subissent n’est pas normal ». Depuis le début de l’année, 140 femmes ont perdu la vie sous les coups de leur compagnon. « Dans mon entourage, les violences commises envers les femmes sont quotidiennes. C’est incroyable : viol, sexisme, attouchements dans les lieux publics… », constate Julie.
Pascale est directement touchée par ces revendications. « Il y a deux ans, une jeune femme de 29 ans a été tué par son compagnon. Elle avait porté plainte plusieurs fois, mais il n’y avait pas eu de suite. C’était ma voisine. Le procès se tient en ce moment », se remémore Pascale, émue. De l’avis commun, la loi protège trop peu les victimes. Pascale ne tergiverse pas : « Je pense que c’est à l’État de faire quelque chose ». Symboliquement, le groupe se dirige vers le tribunal de Metz et affiche l’avertissement “Plaintes ignorées, femmes tuées”.
Un combat mixte
« On fait ça pour toutes les femmes et pour tout le monde en général », approuve Eva, l’une des membres de l’association, qui ne comprend pas les doutes. Car des dubitatifs, il y en a. Ce soir-là, Virginie, employée dans le secteur médical, interrompt son chemin pour discuter avec les militantes. Elle aimerait que des actions de plus grandes ampleurs soient mises en place : « Les affiches sont trop petites, on ne les voit pas ». « Moi, si j’avais 20 ans je serai un peu plus violente », provoque la quinquagénaire.
Devant les derniers coups de pinceau de la soirée, elle conseille aux activistes de ne pas stigmatiser les hommes. Eva et Julie, présentes ce soir-là, soutiennent sa position. Elles sont aussi membres des Racolleuses. Il s’agit d’une autre association féministe qui recouvre nouvellement les murs de Metz. Leur objectif ? Mobiliser les forces, et non les diviser avec des slogans mixtes : “Le féminisme n’est pas contre les hommes, c’est contre le sexisme.”
Le réflexe à avoir : s’adresser à la Fédération Nationale Solidarités Femmes directement au numéro unique 3919.
Isabelle Hautefeuille et Ana Gressier
140 femmes tuées sous les coups de leur compagnon depuis le 01/01/19.
Au cours de sa vie :
1 femme sur 26 est violée.
1 femme sur 7 est agressée sexuellement.
Parmi les femmes qui ont subi au moins un viol ou une tentative de viol dans leur vie, 56% l’ont vécu avant 18 ans. (enquête Virage, 2016)
91% des victimes sont des femmes.
99% des violeurs sont des hommes.
97% des agresseurs sont des hommes. (observatoire contre les violences à l’encontre des femmes, 2016)
Ce que dit la loi :
Le viol est un crime passible d’une peine de 15 à 30 ans d’emprisonnement ou perpétuité en cas de torture ou de barbarie.
L’agression sexuelle est un délit passible d’une peine de 5 à 10 ans d’emprisonnement, 75 000 à 100 000€ d’amende.
Le harcèlement sexuel est un délit passible d’une peine de 2 à 3 ans d’emprisonnement, 30 000 à 45 000€ d’amende.