Populaire sur Internet et en Allemagne mais inconnu du grand public en France, le Furry Fandom tente de sortir de sa confidentialité. Jusqu’à s’exporter en Lorraine.
« Ce qu’est le Furry Fandom ? Cela risque d’être compliqué de vous répondre ». C’est avec cette première réponse que l’on commence à douter du bien-fondé de la démarche. Pourquoi diable vouloir écrire sur ce sujet si l’on ne peut pas en donner une définition simple ? Qu’importe : Benoît Clariana-Roig, Président de l’Association Lorraine Furs, veut bien s’y essayer. Si l’on s’en tient à une description basique, le terme furries désigne les fans d’animaux anthropomorphiques. Pour lui, ceux qui font partie de cette mouvance sont « des bâtisseurs de monde, de grands rêveurs créatifs ».
Du point de vue de Quentin Julien-Saavedra, enseignant en Arts du spectacle à l’Université de Grenoble, ces personnes ne sont pas simplement fascinés par les animaux à fourrure ou nostalgiques de leur enfance. Dans la revue Multitudes, il écrit : « la participation à cette collectivité semble réellement transformer l’identité de ceux qui s’y reconnaissent, en ce qu’ils s’imaginent un corps et un « être » hybride à la fois humain et animal”. Implantée massivement en Angleterre ou en Allemagne depuis les années 80, cette sub-culture a pris un nouvel essor avec Internet, permettant aux furries de communiquer « à travers le prisme des écrans, forums, t’chats, webcams, etc. » Ces technologies leur offre l’occasion de n’afficher que leur identité hybride.
« Il serait faux de dire qu’il existe un profil type du furry-fan » ajoute Benoît Clariana-Roig, « on vient tous pour une raison qui est différente ». Parmi elles, on peut citer par exemple le plaisir de se costumer, de performer, pour l’art et la création numérique, les jeux et dessins animés, la spiritualité (s’identifier à un animal totem), ou la sexualité.
« Yiff », l’art érotique anthropomorphiste
Dans la plupart des médias, c’est cette dimension sexuelle et érotique qui cristallise l’attention. À tel point qu’un mot (« Yiff »), est apparu pour désigner l’ensemble de ces pratiques. Pourtant, ce fantasme est loin d’être partagé par la majorité des furries. En 2014, une doctorante en psychologie spécialisée dans la sexualité s’était rendue à une convention rassemblant plus de 700 participants. Citée dans un article de Slate.fr, elle relate n’avoir assisté qu’à des « scènes banales » et rien de ressemblant à une « réunion libertine ».
C’est cette ambiance conviviale et bon enfant qui est mise en avant par l’association Lorraine Furs. Grâce à un partenariat avec Épinal, elle propose des animations à destination du grand public et des familles, à l’image d’une « Furwalk » mensuelle dans des parcs de la ville.
Une Furry Lorraine
Il est devenu habituel que chaque communauté importante de fans sur Internet voit apparaître dans son sillage un déluge de haine, et le furry fandom ne fait pas exception à la règle. Il cristallise ainsi une détestation importante, qualifiée d’« anti-furries ». Pour le président de Lorraine Furs, elle est lié au contexte d’apparition en marge des conventions de science-fiction. « Tout le monde se tire sans arrêt dans les pattes. Ils (ndlr: les participants à ces conventions) ont toujours été en lutte contre nous. »
Il est aussi possible d’expliquer cette aversion par l’existence même du furry fandom. Il s’agit en effet d’une forme de sub-culture située en dehors des normes sociales habituelles, dont les membres revendiquent le fait d’être différents et de ne pas avoir de place dans la société.
D’un revers de main, Benoît Clariana-Roig balaye cette hostilité : « ce n’est pas quelque chose dont il faut se formaliser. Ce n’est pas pour ça qu’on va rester cachés ! ». Il reconnait qu’après 20 ans sans réelle promotion en France, le Furry Fandom a encore du chemin à faire. Mais compte tenu de la proximité géographique et de la popularité du mouvement outre-Rhin, il compte en profiter pour le développer . Pour l’instant, il n’existe toujours qu’une seule et unique association régionale en France. Elle se situe en Lorraine.
Rémy Chanteloup