Poussée par la précarité, Cynthia se prostitue depuis cinq ans. Loin des regards, elle patiente dans le froid de la nuit messine jusqu’à l’arrivée de ses clients, tout en rêvant à une autre vie pour les filles de la rue.
A l’angle du rempart Saint-Thiebault et du square Camoufle, Cynthia attend sous un parapluie son prochain client. A 22h45, elle a déjà réalisé deux passes ce jeudi soir. La trentaine à peine, elle se prostitue pour arrondir ses fins de mois de rmiste depuis cinq ans déjà. C’est une amie à elle qui l’a fait rentrer dans le milieu de la nuit. « Elle a mis du temps à me convaincre mais à force de vivre dans la galère, tous les moyens sont bons pour s’en sortir ». Depuis, la belle brune se rend « plusieurs fois par mois » sur le trottoir. A ses débuts, elle travaillait avenue Foch mais de nombreuses amendes pour racolage sur la voie publique l’ont forcée, comme beaucoup de filles, à se déplacer sur des axes moins fréquentés. Son « coin » à elle, c’est l’entrée du square camoufle. Sous son petit réverbère, elle voit défiler des hommes de tous âges, de toutes origines et de tous milieux. « Un bon panorama de la population masculine messine » dont les exigences varient. Beaucoup se contentent d’une fellation ou d’un rapport sexuel dans leur voiture alors que certains préfèrent se rendre à l’hôtel. Quelques clients « radins » essayent parfois de marchander et la jeune femme avoue qu’il est difficile de s’en débarrasser.
Le retour des maisons closes ?
Depuis qu’elle a commencé, Cynthia n’est jamais « mal tombée ». Plutôt méfiante, elle ne monte pas avec n’importe qui et emmène toujours ses clients dans des endroits où il y a du monde. Il lui est pourtant arrivé de s’inquiéter. Surtout avec les hommes qui ne parlent pas. « On se demande ce qu’ils ont dans la tête ». La nuit, la rue devient une vraie jungle. « Entre les droguées, les alcooliques, les macs et les clients violents, le danger est partout ». Chaque soir, les travailleuses du sexe risquent leur vie, loin des regards. « Personne n’est là pour assurer notre sécurité : les policiers passent plus de temps à nous chasser des grandes avenues qu’à nous protéger » déplore Cynthia. « Ce serait mieux pour nous si il y avait des maisons closes ». Ces lupanars ont été interdits en France en 1946 par la loi Marthe Richard dans le but d’abolir la prostitution. Cette interdiction n’y a pourtant pas mis un terme, elle l’a seulement bannie des beaux quartiers. Pour Cynthia, la réouverture des maisons closes est la meilleure solution pour les filles. « On pourrait travailler en sécurité et dans de bonnes conditions d’hygiène et surtout on ne serait plus seules, on pourrait s’épauler ».