Emmanuel Macron annonce, lors de son allocution du 9 novembre 2021, vouloir construire de nouveaux réacteurs nucléaires en France. Une déclaration dans le cadre de la Cop-26 qui fait réagir les voisins européens, notamment le Luxembourg porteur d’une politique anti-nucléaire.
A la frontière de la France, la petite ville luxembourgeoise de Dudelange et ses 20 000 habitants ont été marqués par l’annonce du président français, début novembre. Le développement de l’énergie nucléaire est un sujet qui alimente les débats au sein du Grand-Duché.
Vingt kilomètres au sud de Dudelange, la centrale nucléaire de Cattenom est au centre des discussions. Le gouvernement luxembourgeois reproche un mauvais entretien de la structure, qui pourrait conduire à une catastrophe similaire à celle de Tchernobyl en 1986. Un incident qui conduirait à « rayer le Luxembourg de la carte du monde ». Un propos que l’on retrouve dans le film de docu-fiction « An Zéro », qui évoque les conséquences d’un grave accident nucléaire sur le pays.
Malgré une hostilité de la part du gouvernement luxembourgeois envers le nucléaire, les centrales avoisinantes, dont celle de Cattenom, alimentent le Luxembourg en énergie. En 2019, l’énergie nucléaire représentait plus de 10% de l’électricité fournie. Des données qui ne font pas démordre les autorités. Au sein de l’Union Européenne, les débats sont tendus, « le Luxembourg continuera à s’opposer au financement public de nouveaux projets de centrales nucléaires par d’autres États membres » explique Claude Turmes, ministre de l’énergie.
Cette défiance ne se retrouve pas seulement dans les discours politiques, mais aussi dans les rues de Dudelange. Chez les habitants, les avis sont plus nuancés, mais la peur d’une catastrophe nucléaire ressort de certains témoignages. Raphaël et Andrea De Jesus se promènent sur la place de l’Hôtel de ville, et rapidement les jeunes parents font part de leurs craintes. « Ça m’inquiète, la centrale de Cattenom est vieillissante et j’ai peur que ça explose », glisse Raphaël De Jesus.
« Le Luxembourg profite de l’énergie nucléaire »
Les réticences au nucléaire, prégnantes à Dudelange, ne sont toutefois pas partagées par l’ensemble des citoyens. « C’est une source d’énergie propre et nous avons besoin de toujours plus d’électricité », observe Charles Schrepel. Avant de monter dans l’un des Citybus de la ville, le septuagénaire défend la gestion de la centrale voisine de Cattenom : « Je juge peu probable qu’il y ait un accident, elle est souvent entretenue ». Depuis sa mise en service en 1986, la centrale a été le théâtre de plusieurs incidents. Le dernier en date, en août 2021, a été classé de niveau 1 sur 7 sur l’échelle INES, « sans conséquence sur la sûreté, la sécurité ou l’environnement ».
A quelques pas du centre-ville, le risque lié à un éventuel accident à Cattenom ne trouble pas la tranquillité de la balade de Gilles Gubbini, au parc Emile-Mayrich. « Je ne suis pas méfiant, du moment que l’on bâtit les nouvelles centrales de manière sécurisée », appuie cet employé de banque. Si le Luxembourg se félicite de sa production nationale d’énergie, constituée de 77% d’énergies renouvelables, le pays importe 84% de sa consommation totale depuis la Belgique, la France et l’Allemagne. Pour Gilles Gubbini : « Le Luxembourg profite de l’énergie nucléaire et devrait se positionner favorablement sur cette question ».
Le gouvernement du Grand-Duché milite pour une politique de renonciation à la promotion du nucléaire. Le financement du projet international Iter, en particulier, concentre les crispations. Il s’agit d’une nouvelle technologie de réacteur basée sur la fusion nucléaire, en opposition à la fission, en usage dans les centrales actuelles. Selon ses défenseurs, ce procédé devrait produire une quantité d’énergie beaucoup plus importante. Les opposants au projet fustigent une technologie énergivore et très coûteuse.
Une partie des habitants que nous avons rencontrés affichent leur confiance en leur pays ainsi qu’en son poids sur la scène internationale. « Chaque voix compte à l’échelle européenne » estime Charles Schrepel. Pour d’autres Dudelangeois, l’influence du Grand-Duché est limitée. « Le Luxembourg est un petit pays, qui a tendance à suivre la volonté d’autres nations », croit Andrea De Jesus.
EDF, qui exploite la centrale de Cattenom, souhaite prolonger la vie de son site mosellan, au moins jusqu’en 2025. Pour le moment, aucune information n’a été communiquée concernant le lieu d’implantation des futures centrales nucléaires en France. Seule certitude, le voisin luxembourgeois veille au grain.
Emma Georges et Antoine Poncet