C’est au Luxembourg que l’écart salarial entre les femmes et les hommes est le plus faible d’Europe. Pourtant, le pays ne semble pas être un aussi bon élève qu’il le prétend.
Selon Eurostat, l’écart de salaire entre les hommes et les femmes au Luxembourg était de 1,3% en 2019 alors qu’il était de 16,5% en France. Une fierté pour ce pays de 634 730 habitants. Mais même si les écarts de salaire ne sont pas importants, les inégalités à l’embauche ou dans l’accès à certains domaines persistent. Donner la place aux femmes dans des secteurs majoritairement réservés aux hommes, c’est le combat de l’association Women in Digital Empowerment (WIDE).
Manon Thiel, qui l’a rejointe il y a quelques mois en tant que chargée de communication et d’événementiel, explique que la création de WIDE part d’un constat simple : les sciences, la technologie, l’ingénierie ou encore les mathématiques, sont des disciplines que la société assimilent aux hommes. Dès leur plus jeune âge, les filles sont confrontées au fait que ces domaines ne sont pas faits pour elles. Résultat, celles-ci y sont sous-représentées, en France comme au Luxembourg.
Mais la sous-représentation des femmes ne se limite pas qu’à des secteurs mais aussi à des titres. Au Luxembourg, selon l’institut de statistiques Statec, 17% des travailleurs sont des directeurs ou des cadres de direction, parmi eux 11% sont des hommes et seulement 6% sont des femmes. “Au départ WIDE proposait d’aider les femmes qui veulent lancer leur boîte en leur donnant de nombreux outils notamment pour créer leur site Internet, mais maintenant on sensibilise aussi en se déplaçant dans les écoles, on essaye de toucher les plus jeunes et ça concerne aussi les garçons”, se réjouit Manon Thieul.
Véritable eldorado ?
Si les inégalités salariales y sont bien plus faibles que dans le reste de l’Europe, la chargée de communication précise que les Européens ont tendance à “idéaliser le Luxembourg”. “Le marché du travail luxembourgeois est très différent du marché français. Il est moins sûr, on peut te virer plus facilement, explique-t-elle. Je dirais même qu’il est plus inégalitaire qu’en France.”
D’ailleurs, en termes d’égalité générale entre les femmes et les hommes, tout n’est pas si rose au Luxembourg. En mars 2021, le Forum économique mondial (WEF) a dévoilé son classement annuel sur l’égalité. Le pays se place à la 55e place sur 156 pays, loin derrière la France (16e) et l’Allemagne (11e). Dans le détail, si l’on reprend l’étude de Statec, 81% des femmes qui travaillent ont des postes de “cols blancs”, correspondant à des employés de bureaux.
C’est le cas de Marine Sind, employée aux ressources humaines (RH). Depuis 2014, elle observe et subit de nombreuses inégalités envers les femmes dans le monde du travail. “Sous prétexte que j’étais une employée de bureau, on me demandait tout et n’importe quoi. Après une réunion, il est arrivé qu’un directeur me donne des papiers juste pour les jeter mais est-ce que je m’appelle poubelle ? Non. On m’a aussi déjà demandé d’aller remettre du papier dans les toilettes”, s’indigne-t-elle.
La RH souligne également que les femmes n’ont pas autant de possibilités d’embauches que les hommes “sous prétexte qu’elles vont toutes demander un congé maternité”, ni d’évolution, ni même des propositions de formation. Pour pallier ces inégalités, un ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes a pourtant été créé en 2004, représenté par Taina Bofferding. Sollicité pour parler de ses actions, il n’a pas donné suite à nos demandes.
Bien qu’elle dénonce les différences entre les genres, Marine Sind nuance et précise que la situation des femmes tend à s’améliorer : “Le Luxembourg essaie d’aller de l’avant. Les sociétés trouvent de plus en plus des solutions, proposent des activités, des discussions sur le sujet. Mais ce n’est pas suffisant.” Pour prendre pleinement part à la cause et inciter de nouvelles politiques en ce sens, elle vient de rejoindre la plateforme JIF (Journée Internationale des Femmes) et compte bientôt ouvrir un blog pour évoquer toutes les autres inégalités que subissent les femmes. En effet, le chemin est encore long. Selon le rapport du WEF, il faut encore compter 135,6 années avant de parvenir à la parité à l’échelle mondiale.
Annabelle ROCHET, Margaux PLISSON, Suzanne JUSKO