Sur la première de couverture, une jeune femme au teint pâle regarde au loin. Dans son dos, milles et un papillons s’unissent comme pour lui donner des ailes. Madame Butterfly, pleine d’espoir, attend l’homme qui l’aidera à prendre son envol. Mais après le grand saut, la chute peut s’avérer douloureuse. Entre aquarelle et peinture à l’huile, l’illustrateur Benjamin Lacombe nous amène avec justesse au cœur d’une histoire tragique.
Inspiré du roman Madame Chrysanthème de Pierre Loti et de l’opéra Madame Butterfly de Giacomo Puccini, cet album illustré va plus loin que la simple réinterprétation. Sur le papier glacé, les mots et les dessins se mêlent afin de donner vie aux personnages, une geisha et un jeune officier américain. Mais dans nos mains, les pages se tournent et se déplient pour constituer un véritable livre-objet. Pour raconter son histoire, Benjamin Lacombe a ainsi construit son ouvrage sous la forme d’un éventail. Une présentation originale qui renforce la poésie de sa narration et fait écho au lieu de l’action : le Japon.
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Deux visages, deux lectures
Comme l’éventail cache le visage de son propriétaire, la lecture classique de Madame Butterfly en dissimule une deuxième. Si le lecteur tire sur la première page au lieu de la tourner, il lui est alors possible de découvrir une frise de dix mètres de long. Les dessins, réalisés à l’aquarelle, parviennent à transmettre la douleur de l’héroïne grâce à leurs traits fins et leurs teintes froides. Oiseaux, fleurs, papillons, poissons s’approchent de Madame Butterfly et rentrent dans la danse. Une danse macabre où plumes, pétales et nageoires côtoient petit-à-petit les têtes de mort. Souffrant d’un amour malheureux, la jeune femme s’oublie. Son visage disparaît. Et sous le crayon de Benjamin Lacombe, le rouge se fait de plus en plus poignant. La tragédie semble inévitable.
« Une femme japonaise est une fleur délicate »
Tels l’amour et l’espoir ou encore le sang et les larmes, le rouge et le bleu prédominent dans les illustrations de Benjamin Lacombe. Poétiques, esthétiques, symboliques, ces images traduisent avec pudeur et délicatesse le malaise qui s’empare de Madame Butterfly. Au Japon, la souffrance s’exprime en silence. Les peintures à l’huile accompagnant le texte permettent au lecteur de mettre du sens là où se taisent les personnages. Au fil des pages, les décors, les kimonos et regards créent une palette visuelle envoûtante. De la baie de Nagasaki aux jardins bordés de cerisiers japonais, l’illustrateur nous transporte pendant plusieurs minutes dans ce Japon d’antan où les femmes, cachées derrière leur peau diaphane, espèrent silencieusement.
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