Une manifestation féministe pour le droit, la protection et le respect de la femme s’est déroulée à Metz le samedi 23 novembre. Organisée par pas moins de 18 associations, elle a rassemblé environ 600 personnes.
Le chiffre dépasse celui de l’année dernière. 139 femmes sont décédées depuis janvier sous les coups de leur conjoint. Soit une femme tous les deux jours. Cette manifestation féministe est le résultat d’un appel national lancé par le collectif Nous toutes et rejoint par d’autres associations à Paris et d’autres grandes villes. Comme cela a déjà été le cas l’année dernière et les années précédentes à Metz, plusieurs organisations se sont rassemblées. Parmi elles, Osez le Féminisme 57, la Ligue des Droits de l’Homme, Couleurs gaies, Les Profanes, des syndicats comme la CGT, CNT et quelques partis politiques tels que Génération.s et le Parti Communiste. Avec en tout, 18 organisations et 600 personnes venues défiler. Le rendez-vous a été un succès, quelques jours avant la Journée internationale contre les violences faites aux femmes du 25 novembre.
« Un message politique »
Pendant la préparation de pancartes, en amont de la manifestation, enjeux et attentes sont exprimés. Pour Bernard Leclerc, président de la Ligue des Droits de l’homme, “l’objectif est de mobiliser le plus de monde possible”. Dans ce combat, le spécialiste du droit appuie sur l’importance de “la diversité des associations […] parce qu’elles ont des approches différentes” : légales « pour des réponses pénales adaptées« , sociales, politiques et sociétales.
« Il n’y aura pas de mesure sans argent« . Catherine, co-responsable de Osez le Féminisme 57 insiste : “C’est aussi un message politique pour réclamer davantage de moyens et une réelle prise en compte de ces mortes. On a besoin de formation pour les policiers”. “On espère un public très mixte” ajoute la militante. Des femmes, des citoyens de tout sexe et de tout âge et enfin des politiques. Juliette, la seconde responsable, explique que “les associations qui luttent pour le droit des femmes n’ont pas le sentiment d’être écoutées [par le gouvernement]. »
« Une transformation sociale »
« Violences contre les femmes ! Ça suffit ! « les slogans donnent le rythme à la marche, débutée aux alentours de 14 h 30. Les écrits des pancartes sont aussi divers que les revendications. Pour Sandrine, manifestante, « il faut tout déconstruire« .
« C’est toute une transformation sociale qu’il faut mettre en place » affirme Frédéric, membre de la CNT (Confédération Nationale du Travail). Une « révolution » pour « une stricte égalité entre tous les individus, que ce soit au niveau social, économique ou politique« . Car en effet la manifestation dénonce les féminicides mais aussi toutes les formes de discrimination : dans l’intimité par les violences physiques et psychiques, mais aussi au travail avec la question de la maternité qui demeure un frein dans une carrière. Cela passe aussi par les inégalités salariales, les emplois précaires, jusqu’aux atteintes dans la vie publique et sociale du fait de remarques dégradantes. Nathalie, militante de la CGT, parle de « maltraitance des femmes dans la société ».
Dans la marche, beaucoup parlent d’un sexisme au quotidien. Mais aussi de « culture du viol » encore bien ancrée dans la société. Les termes d’Anabelle sont forts : « J’ai eu de la chance de ne pas me faire agresser« . Elle dénonce les appels ignorés : « il faudrait rendre le processus plus efficace. Quand une femme se plaint de ne pas être en sécurité avec son mari, il faut qu’on la prenne au sérieux, et que la réaction soit plus rapide. Car c’est souvent trop tard« . Pour Frédéric (CNT), la non-reconnaissance dans la loi du « féminicide » pourtant entré dans notre vocabulaire est un scandale : “Dans les textes de loi, le féminicide n’est toujours pas reconnu. On parle de drame familial ou de crime passionnel. Je vois pas où est la passion là-dedans”.
« Un combat collectif » : toutes et tous concerné(s)s
“Il y en a ras le viol” pouvait-on lire sur certaines pancartes. Théo, étudiant explique que “c’est aussi important de venir en tant qu’homme”. Pour Thomas Scuderi présent à la manifestation, même constat: « C’est un combat collectif, tous les citoyens doivent se mobiliser et les hommes en particulier« .
Des hommes concernés mais pas seulement. Maël Pirch, bénévole dans l’association « Couleurs Gaies » et co-responsable de l’ANT (Association Nationale des Transgenres) rappelle que le problème est « transexionnel« . Il concerne aussi les violences faites contre les femmes, nées garçons. A cause, selon lui, d’une « pression du sexisme et du patriarcat« .
“ C’est un phénomène massif et transgénérationnel” explique Catherine de « Osez le Féminisme 57 ». “Cela va des enfants jusqu’aux grand-mères”. Fabienne, de Sud Santé Sociaux est présente pour informer : « Le rythme s’accélère dangereusement. Une femme se fait violer toutes les 7 minutes. Il y a une agression sexuelle toutes les trois minutes sur des fillettes. On a toutes malheureusement dans notre entourage, une sœur, une amie qui a été touchée« .
« La culture ça commence petit »
« La culture, ça commence petit » affirme Bernard Leclerc (Ligue des Droits de l’Homme). Anne Pichon, âgée de 37 ans est venue avec ses trois filles. Elle a tenté de leur expliquer. L’une a 10 ans : « Je suis là parce qu’il y a des femmes qui sont mortes à cause de messieurs pas gentils et qui sont fous« . Pour sa maman « ce sont des valeurs à faire passer […] pour ne pas laisser une petite fille penser qu’elle est moins bien qu’un garçon« . Prendre le problème à la racine en éduquant les plus jeunes et en formant les citoyens d’aujourd’hui. Voilà les principales motivations avancées par l’association Osez le Féminisme 57 qui intervient dans des écoles pour faire de « l’éducation populaire ».
Le nom des femmes décédées écrit noir sur blanc. Un die-in ou la mort mise en scène par des manifestantes, étendues sur le sol place d’Armes. Tout poursuit le but d’informer et faire réagir. « D’éveiller les consciences » affirme Juliette, co-porte-parole de Osez le Féminisme 57. Un moment intense durant lequel Catherine de la même association énumère le nom des 137 victimes (passées à 139 depuis). Personne ne parle, sauf elle. La longue liste terminée, L’Hymne des femmes résonne « pour remettre de la vie« , tandis que les femmes se relèvent.
« Une culture de violence à changer »
« Il y a une culture de la violence à changer« . Pour Anabelle, manifestante et chargée de communication, « c’est une question de pédagogie » : pour « reconnaître les signes » et « éduquer les hommes« . Des signes qui se manifestent souvent par de l’isolement économique, familial et amical, une influence psychologique, un sentiment de possession ou jalousie excessive… En tout cas, c’est ce qui ressort des témoignages d’anciennes victimes qui rappellent « qu’il est possible de s’en sortir« . La manifestation féministe se terminera enfin par des chants repris sur des airs de musiques connues.
Audrey MARGERIE
Retrouvez par ce lien les séries de mesures annoncées par le gouvernement après le Grenelle. Pour aller plus loin, retrouvez ici le rassemblement au Chili. Il est possible de s’en sortir, cliquez ici pour lire le portrait d’une femme qui continue de se battre.
VERS QUI SE TOURNER A METZ : CDIFF (Centre Information Féminin et Familiale), et l’AIEM (Association d’Information et d’Entraide Mosellane) pour le volet psychologique et judiciaire. Enfin, un numéro est mis à disposition: le 3919.
139 femmes tuées sous les coups de leur compagnon depuis le 01/01/19.
Au cours de sa vie :
1 femme sur 26 est violée.
1 femme sur 7 est agressée sexuellement.
Parmi les femmes qui ont subi au moins un viol ou une tentative de viol dans leur vie, 56% l’ont vécu avant 18 ans.
(enquête Virage, 2016)
91% des victimes sont des femmes.
99% des violeurs sont des hommes.
97% des agresseurs sont des hommes.
(observatoire contre les violences à l’encontre des femmes, 2016)
Ce que dit la loi :
Le viol est un crime : 15 à 30 ans d’emprisonnement, perpétuité en cas de torture ou de barbarie.
L’agression sexuelle est un délit : 5 à 10 ans d’emprisonnement, 75 000 à 100 000€ d’amende.
Le harcèlement sexuel est un délit : 2 à 3 ans d’emprisonnement, 30 000 à 45 000€ d’amende.