Les sports féminins sont encore sous-représentés dans les médias. Malgré des chiffres en progression, le travail pour une parité complète est loin d’être fini. Les opportunités, notamment financières, freinent les grands groupes dans la féminisation de leurs programmes sportifs. Lors des assises du journalisme à Tours, des figures féminines du journalisme sportif reviennent sur la médiatisation du sport féminin.
Les Jeux Olympiques démarrent dans quelques semaines en France. 40 des 80 disciplines présentes durant cet événement sportif comptent 20 % de femmes licenciées. Un problème de représentation au sein des fédérations, mais pas que. 4,8 % du sport diffusé à la télévision française est du sport féminin, selon le dernier rapport de l’Arcom, paru en mars 2024. Un chiffre qui monte à 21% pour les retransmissions de sports « mixtes ». Il s’agit ici des compétitions qui voient à la fois des femmes et des hommes représentés. C’est le cas de Roland Garros et des JO. Le sport masculin représente, quant à lui, 74,2 %.
Laurence Pécaut-Rivolier, conseillère à l’Arcom, le reconnaît : “le sport est à la traîne depuis des années et malheureusement ça ne change pas”. Toujours selon les chiffres de l’Arcom, le volume horaire consacré à la retransmission des compétitions féminines aurait augmenté de 50 % entre 2018 et 2021.
Si plusieurs grands groupes de médias se sont engagés à une meilleure représentation des sports féminins sur leurs antennes, les choses ne changent pas aussi vite que ce que l’on pourrait espérer. “Ca évolue mais ça dépend des disciplines« , explique Sandy Montañola, maîtresse de conférence en information et communication à Rennes. « Si ce sont des sports qui correspondent à des clichés de féminité, la médiatisation est plus facile. Mais encore faut-il prouver que les sportives sont capables de résultats.”
“Vais-je renoncer à la coupe du Monde masculine ? Non.”
Selon Nathalie Iannetta, directrice des sports à Radio France, “la visibilité des sports féminin ne se fait pas au coup par coup mais au quotidien”. Elle reconnaît compter combien d’hommes et de femmes sportifs sont mis à l’honneur dans ses émissions. Pourtant toutes celles présentes lors de la soirée débat Femmes, sport et médias, s’accordent pour dire que, dans la réalité, ce ne sont pas les quotas qui fonctionnent pour améliorer la visibilité. “À mon avis la logique comptable n’est pas la bonne”, affirme Géraldine Catalano, rédactrice en cheffe de l’Équipe magazine.
Pour Anne-Sophie de Kristoffy, conseillère sport chez TF1, “il faut voir les opportunités chez les hommes et chez les femmes, et les saisir”. Les opportunités sont notamment financières. Nathalie Iannetta se souvient de la Coupe du Monde féminine en Australie et Nouvelle-Zélande : « les droits ont été scandaleusement augmenté par la FIFA et à un moment le racket c’est fini!« . Suite à cette augmentation, il a fallut faire des choix éditoriaux.
Dans ces choix, le spectre de l’audimat est toujours présent. “Vais-je renoncer à la coupe du Monde masculine ? Non. Vais-je renoncer au tournoi des Six Nations ? Non.” rétorque sèchement Nathalie Iannetta quand on évoque cette question. Avec un budget restreint et des augmentations dans les droits de diffusion, les chaînes doivent faire des arbitrages. Un cercle vicieu : les médias recherchent des audiences fortes et font le choix de sports qui attirent les spectateurs et donc les sponsors.
Entre hommes et femmes la représentation des athlètes diffère
La différence de traitement se ressent aussi dans les choix de sujets. Si on parle de santé mentale ou de vie de famille quand il est question de sportives, les sujets sur les sportifs se concentreront plus sur les performances ou potentielles blessures physiques. « Je veux parler de la sensibilité aux femmes, je veux plus parler de la fragilité aux hommes« , assène Nathalie Iannetta. Il en va de même pour les Unes, sujet abordé par Mejdaline Mhiri, qui anime le débat. Elle se demande pourquoi, lorsqu’une femme fait la une de l’Equipe, son sport n’est pas mis en avant contrairement aux unes portant sur un athlète masculin. Elle fait alors référence à la Une du magazine l’Equipe du 22 mars dernier mettant en scène la boxeuse championne olympique Estelle Mossely, dont les gants font tâche à côté de sa robe de soirée.
Des choix éditoriaux déterminants ?
Pourtant, les équipes dirigeantes des rédactions sportives ont tendance à se féminiser. Mais certains événements restent primordiaux pour les chaînes audiovisuelles. “TF1 ne genre pas le sport. La recette que l’on capitalise se fait en parallèle du rapport d’audience. Pour la Coupe du monde féminine de 2023, on a obtenu une audience inespérée. On n’est pas habitués à un tel succès. On a besoin de raconter des histoires autour de cela”, explique Anne-Sophie de Kristoffy. Le sport féminin est d’ailleurs un moyen de mettre en valeur de nouvelles disciplines. Nathalie Iannetta, directrice des sports de Radio France, met l’accent sur des disciplines moins médiatisées, qui plaisent au public. “Nous avons l’habitude de proposer cette diversité des sports que nous couvrons. C’est aussi pour cela que les gens nous écoutent.”
Cependant, l’écart se creuse sur les disciplines très populaires, comme les sports collectifs ou le cyclisme. Si certaines équipes féminines représentent le pays en Europe, le traitement médiatique est bel et bien différent que chez leurs homologues masculins. Pour Mejdaline Mhiri, rédactrice en cheffe du magazine “Les Sportives” et commentatrice de handball féminin, le défi est plus grand pour les femmes : “Les journaux locaux couvrent ces équipes, mais pour les médias nationaux, il faut qu’elles aillent jusqu’au dernier carré, il faut qu’elles gagnent la ligue des champions pour qu’on s’intéresse à elles”.
Thomas Alvarez, Myrthille Dussert et Madeleine Montoriol