L’ancien braqueur Nan Aurousseau, aujourd’hui écrivain et cinéaste, a présenté son dernier ouvrage, « La Ballade du mauvais garçon » (2014), à l’occasion du festival Le livre à Metz, du 9 au 12 avril 2015. De la prison à l’écriture, il revient sur son passé de délinquant, sa rencontre avec la littérature et son ambition dévorante pour l’avenir. Roman d’un destin hors norme.
Mauvais garçon ? « Non, je suis un bon garçon maintenant » raconte l’ancien braqueur Nan Aurousseau, désormais écrivain et cinéaste. Toutefois, il ne nie pas cette appellation. Il estime toujours avoir conservé cet esprit qui se ressent aujourd’hui dans son écriture. « Quelque part, je suis toujours un voyou. J’aime prendre des chemins de travers tout en restant évidemment dans la légalité ».
Fils d’ouvrier, Nan Aurousseau a passé son enfance dans le XXème arrondissement de Paris. Plus précisément, dans un quartier de la porte de Montreuil, un « quartier de petits voyous ». Livré à lui-même dès son plus jeune âge à cause d’un père « alcoolique fini vers la fin de sa vie », Nan dérive rapidement et tombe dans la délinquance avec ses amis. « On a commencé par des vols à l’étalage, des vols à la roulotte dans les voitures. J’étais content d’être un voyou. On était drogué à l’adrénaline » se justifie-t-il.
Un parcours de « petit délinquant traditionnel »
Centre de rééducation dès l’âge de 14 ans, quatre mois de prison pour mineur à Fresnes avant de replonger un mois après sa sortie, toujours à Fresnes, où il écopera de 18 mois. « Vous voyez, on reste jamais bien longtemps libre ». En effet, les délits s’aggravent. Du cambriolage au braquage, du braquage à la Cour d’assises, Nan Aurousseau est condamné en 1968 à six ans de réclusion criminelle pour braquage à mains armées, infraction à la législation sur les armes de guerre et tentative d’homicide volontaire. En somme, un parcours de « petit délinquant traditionnel ».
« Quand je suis tombé, j’ai été isolé en prison car j’étais considéré comme particulièrement dangereux » explique-t-il. Placé sous haute surveillance et ainsi coupé de tous ses amis, Nan Aurousseau vit des années difficiles. « J’en souffrais beaucoup car je n’avais que 18 ans, je ne voyais plus personne et mes promenades se résumaient à sortir tout seul sur le toit de la prison » confie-t-il. Une période compliquée, mais pour lui, une opportunité d’une vie nouvelle.
« Ce sont des mesures qui peuvent paraître dures et barbares, mais qui en même temps m’ont sauvées » estime-t-il. Pendant son isolement, Nan Aurousseau reçoit, tous les jours, la visite d’éducateurs. L’un d’eux a notamment réussi à lui faire reprendre les études. « C’est un travail dément qu’ils réalisaient et heureusement qu’ils étaient là » raconte-t-il, « car j’avais besoin d’être super encadré et je ne m’en étais pas rendu compte auparavant ». Grâce à eux, et après deux ans d’isolement, il est remis en détention ordinaire avec les autres.
Une réinsertion par les livres
Cette fois-ci, il est de moins en moins réceptif aux discours « voyous » de ses copains qui, désormais, l’ennuyaient. Au cours de son isolement, Il a fait une nouvelle rencontre : la littérature. « J’ai découvert des « pères » dans les livres : Steinbeck, Kafka… ». À sa sortie de prison en 1974, Nan Aurousseau qui a désormais 24 ans, ne veut plus entendre parler de délinquance. Et encore moins de prison. Pourtant, le retour à la société des « taulards » est parfois très compliqué et il est facile de vite replonger.
« Quand vous avez été coupé de tout pendant six ans, que vous ne savez pas cuisiner, ni faire votre linge et encore moins payer votre loyer… le risque d’imploser est fort » raconte-t-il. « D’ailleurs, beaucoup de mes amis ont échoué à s’en sortir » continue-t-il. Par chance, à la fin de sa peine, Nan bénéficie d’une année de liberté conditionnelle. Obligé de travailler pour éviter de retourner derrière les barreaux, il se réadapte petit à petit à la société. « Cette obligation m’a permis de me remettre en contact avec des gens ordinaires, des gens simples ».
Une rencontre plus particulière va faire basculer son destin. « Avoir partagé ma vie avec ma première femme, Marie Laborde, une écrivain, a été une chance inouïe pour moi ». C’est avec elle qu’il écrit son premier ouvrage, un recueil de poèmes « Paroles de bandits, 1974 ». Et c’est aussi grâce à elle qu’il ne renoue pas avec le milieu de la délinquance malgré les sollicitations. « Le plus dur, c’est d’échapper à ses amis qui voulaient que je remonte avec eux sur des fourgons » explique-t-il. « Elle [Marie Laborde, ndlr] m’a poussé pour que je continue à écrire des livres. Elle a été la chance de ma vie ».
Une soif inassouvie de création
Pour celui qui a appris à écrire en prison, il doit être seul et enfermé pour rédiger. « Il ne faut surtout pas me déranger quand j’écris car je peux devenir fou et faire une crise » raconte l’ancien braqueur. Depuis désormais 35 ans, Nan Aurousseau écrit tous les matins et lit également un livre par jour. Un entraînement quotidien qui lui permet de ne plus connaitre le problème de la page blanche et qui lui offre une certaine fluidité. « J’écris comme je respire» conclue-t-il.
S’il a publié plusieurs ouvrages, c’est avec Bleu de chauffe (2005) qu’il « sort du bois ». À la demande de son ancien éditeur Jean-Marc Roberts, il rédige ce livre racontant son parcours de délinquant. Si son autobiographie a été un succès [près de 50 000 exemplaires vendus, ndlr], l’écrivain préfère les romans. Son souhait est d’écrire un polar à la Alain Page (Tchao Pantin, 1982), « avec des mecs en dérive, des zonards et bien sûr, une enquête criminelle ».
Outre sa casquette d’écrivain, Nan Aurousseau est aussi cinéaste. Il prépare actuellement son troisième long métrage. L’acteur catalan Sergi Lopez devrait faire partie du casting de ce thriller psychologique traitant de la mort d’un enfant, « une histoire terrible qui m’a touché personnellement ». Et c’est loin d’être le dernier film de ce réalisateur à l’ambition dévorante. « Je voudrais faire 37 films avant mes 100 ans, soit un film par an » sourit-il.
Autrefois, Nan Aurousseau défrayait les chroniques judiciaires. Aujourd’hui, ce sont les chroniques littéraires qui parlent de lui. Mais ce n’est pas pour autant qu’il a tiré un trait sur son passé et la grande partie de sa jeunesse passée derrière les barreaux. Il conserve toujours un attachement tout particulier aux jeunes français en prison qui, selon lui, sont dans une « misère culturelle terrible ». « Je vais régulièrement à leur rencontre pour leur apporter ce que les éducateurs m’ont apporté : la bonne parole » explique-t-il. Et c’est avec joie qui le fait à chaque fois. Mais pour Nan Aurousseau, son combat n’est qu’« une goutte d’eau dans un océan de misère ».
[toggle title= »Bibliographie de Nan Aurousseau »]
Paroles de taulards, recueil de poèmes, 1974
Flip Story, Paris, Hallier, 1978
La Bande du Rex, Paris, Encore, 1980
Bleu de chauffe, Paris, Stock, 2005
Du même auteur, Paris, Stock, 2007
Le Ciel sur la tête, Paris, Stock, 2009
Quand le mal est fait, Paris, Stock, 2010
Quartier Charogne, Paris, Stock, 2012
La Ballade du mauvais garçon, Stock, 2014 [/toggle]